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Théodore de BANVILLE
TRENTE-SIX BALLADES JOYEUSES
1873
XXXII
Ballade à la louange des Roses
Je veux encor d'un vers audacieux 10
Louer la fleur adorable et sanglante 10
Qui dit : Amour ! sous l'œil charmé des cieux ; 10
La fleur qui semble une lèvre vivante 10
5 Et qui nous baise, et dont la couleur chante 10
Dans ses rougeurs un bel hymne idéal. 10
Par ce matin vermeil de Floréal, 10
Je veux chanter le calice où repose 10
L'enivrement du parfum nuptial. 10
10 Sur toutes fleurs je veux louer la Rose. 10
La Rose ouvrait son cœur délicieux. 10
Dans les sentiers où verdissait l'acanthe 10
Tu la rougis de ton sang précieux, 10
Reine de Cypre, ô Cypris triomphante ! 10
15 La violette est sa pâle servante. 10
Le chaste lys près du flot de cristal 10
Reste épris d'elle, et n'est que le vassal 10
De sa splendeur suave et grandiose, 10
Et l'astre seul croit qu'il est son égal. 10
20 Sur toutes fleurs je veux louer la Rose. 10
Sans dérider le Roi silencieux, 10
Vivant rubis, une Rose galante 10
Égaye, au sein du palais soucieux, 10
Les cheveux blonds de la petite Infante. 10
25 Et cependant, sans voir son épouvante, 10
Pareil lui-même au sombre Escurial, 10
Son père au front livide et glacial 10
Se tient auprès d'une fenêtre close, 10
Pâle à jamais de son ennui royal. 10
30 Sur toutes fleurs je veux louer la Rose. 10
Envoi
Prince, un divin poëte oriental 10
Chanta jadis pour son pays natal 10
Ma fleur de pourpre et son apothéose. 10
Tel, après lui, dans un chant triomphal, 10
35 Sur toutes fleurs je veux louer la Rose. 10
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