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Théodore de BANVILLE
TRENTE-SIX BALLADES JOYEUSES
1873
XXV
Ballade de la belle Viroise
Regardez-la, cette fille de Vire 10
Bonne à porter les sacs de son moulin ! 10
Elle ravit avec son large rire 10
Tout le pays d'Olivier Basselin ; 10
5 Elle a l'air brave et le geste malin 10
Et la noblesse au front, bien que vilaine, 10
Et le sein droit, sans corset de baleine. 10
Elle babille ainsi qu'un moineau franc ; 10
Le vent la baise et boit sa fraîche haleine, 10
10 O lèvre rouge, ô belle fleur de sang ! 10
Cette beauté qui jamais ne soupire 10
Court par les champs comme un jeune poulain 10
Et chante et mange, et folâtre et respire. 10
Même elle vide avec Pierre et Colin 10
15 Son pot de cidre écumeux et tout plein. 10
Dans le manoir dont elle est châtelaine 10
Onc ne vit-on ruolz ni porcelaine ; 10
Mais ses dents sont de neige, et bien en rang 10
Comme s'en vont les agneaux dans la plaine. 10
20 O lèvre rouge, ô belle fleur de sang ! 10
L'ennui, ce mal affreux qui nous déchire, 10
N'est pas connu de son cœur masculin. 10
Notre Viroise au ruisseau qui l'admire 10
Lave ses pieds dans le flot cristallin ; 10
25 Puis, sous l'ardent soleil à son déclin, 10
Par le sentier fleuri de marjolaine, 10
Laissant flotter son cotillon de laine 10
Sur la rondeur de son robuste flanc, 10
Elle s'en va, chantant de sa voix pleine. 10
30 O lèvre rouge, ô belle fleur de sang ! 10
Envoi
Prince, la bouche en fleur de Madeleine 10
Pâlit d'amour parfois, jamais de haine. 10
Le magister, assis sur un vieux banc, 10
En la voyant dit : C'est la grecque Hélène. 10
35 O lèvre rouge, ô belle fleur de sang ! 10
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