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Théodore de BANVILLE
TRENTE-SIX BALLADES JOYEUSES
1873
XXII
Double Ballade des sottises de Paris
C'est un étrange bacchanal 8
Dans ce Paris vraiment baroque 8
Où règne le petit journal, 8
Et qu'une drôlesse provoque 8
5 En lui laissant voir sous sa toque 8
Des cheveux d'un cuivre vermeil 8
Comme le bon or qu'elle croque. 8
Moi, j'en ris, les jours de soleil. 8
Être probe est original 8
10 Dans cette Babel équivoque 8
Où, malgré le Code pénal, 8
Chacun suit les mœurs de l'époque ; 8
Où Scapin remplace Archiloque, 8
Mais où Pindare, aux Dieux pareil, 8
15 Souperait d'un œuf à la coque. 8
Moi, j'en ris, les jours de soleil. 8
Dans ce pêle-mêle vénal, 8
Qu'est-ce que l'honneur ? Une loque 8
Pour amuser le tribunal, 8
20 Qu'agite, pendant son colloque, 8
L'avocat, soufflant comme un phoque. 8
Le pauvre juge, en son sommeil, 8
Entend ces cris de ventriloque. 8
Moi, j'en ris, les jours de soleil. 8
25 La Bête au regard virginal 8
Que tout millionnaire invoque, 8
Prodigue son amour banal 8
Et chacun s'en emberlucoque. 8
C'est pour elle qu'on se disloque, 8
30 Et tous les cœurs sont en éveil 8
Dès que frémit sa pendeloque. 8
Moi, j'en ris, les jours de soleil. 8
Au sein d'un tumulte infernal 8
Ce sont partout glaives qu'on choque, 8
35 Torches qui servent de fanal, 8
Mépris solide et réciproque, 8
Mensonges que la Haine évoque, 8
Idiots dont on prend conseil, 8
Maîtres qu'on flatte et qu'on révoque : 8
40 Moi, j'en ris, les jours de soleil. 8
Comme une image d'Épinal, 8
Flamboie en sa riche défroque 8
Devant le café Cardinal 8
Ce cruel Paris, qui se moque 8
45 Des sauvages de l'Orénoque, 8
Et dont le superbe appareil 8
Indignait Thomas Vireloque : 8
Moi, j'en ris, les jours de soleil. 8
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