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Théodore de BANVILLE
TRENTE-SIX BALLADES JOYEUSES
1873
XIX
Ballade pour une Guerrière de marbre
Toi qu'au beau temps appelé Renaissance 10
Un statuaire, habile ciseleur, 10
En ce château fit par réminiscence 10
Des anciens Grecs, vierge à la lèvre en fleur, 10
5 Vois le soleil qui baise ta pâleur. 10
Puisque son œil amoureux te festoie, 10
Que devant lui ta chevelure ondoie ! 10
Montre ton corps superbe au fier dessin, 10
Et, sous le vent caressant qui tournoie, 10
10 Souris, Guerrière, et fais voir ton beau sein. 10
Ah ! la splendeur de ton adolescence 10
Et ton regard terrible et cajoleur 10
Éveilleront par leur seule puissance 10
Le geai folâtre et le merle siffleur 10
15 Et tout le gai renouveau querelleur. 10
Car, pour revivre, il suffit qu'on te voie ! 10
Dans le feuillage adouci qui verdoie 10
Et de qui l'ombre emplit le clair bassin, 10
Que ta blancheur sous les rayons chatoie ! 10
20 Souris, Guerrière, et fais voir ton beau sein. 10
Fais resplendir en leur magnificence, 10
Pour cet Avril ruisselant de chaleur, 10
Tes charmes nus, dont la sainte innocence 10
Fait oublier le crime et la douleur. 10
25 Malgré le doux printemps ensorceleur, 10
Notre âge affreux sous la tristesse ploie ; 10
Cette Euménide a fait de lui sa proie, 10
Il est malade, il veut un médecin. 10
Ah ! pour guérir le mal qui le foudroie, 10
30 Souris, Guerrière, et fais voir ton beau sein. 10
Envoi
Reine, prodigue à l'astre qui flamboie 10
Ce sein aigu qui brilla devant Troie ! 10
Quoi qu'en ait dit notre siècle malsain, 10
Rien ici-bas n'est divin, que la joie : 10
35 Souris, Guerrière, et fais voir ton beau sein. 10
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