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Théodore de BANVILLE
TRENTE-SIX BALLADES JOYEUSES
1873
XI
Ballade en faveur de la Poésie dédaignée
Toi qui tins la lyre et le glaive, 8
Et qui marchais, rouge d'éclairs, 8
Dans l'action et dans le rêve, 8
O rude forgeron des vers 8
5 Qui faisaient tressaillir les mers, 8
Âme de héros courroucée 8
Qui t'exhalais en hymnes fiers, 8
Où dors-tu, grande ombre d'Alcée ? 8
Viens parmi nous ! combats sans trêve. 8
10 Il en faut de ces cris amers 8
Que tu répandais sur la grève. 8
La Muse, ivre des maux soufferts, 8
S'en va cacher dans les déserts 8
Sa lyre pour jamais blessée. 8
15 Toi que ravirent ses concerts, 8
Où dors-tu, grande ombre d'Alcée ? 8
Ton laurier perd sa mâle sève, 8
O maître, par ses flancs ouverts. 8
Reviens, comme un dieu qui se lève 8
20 Pour guérir ceux qui te sont chers, 8
Abriter sous tes rameaux verts 8
Le martyre de la Pensée 8
Que déchirent ces noirs hivers. 8
Où dors-tu, grande ombre d'Alcée ? 8
Envoi
25 Que ton courroux brûle mes chairs ! 8
Donne-moi ta haine amassée 8
Sur la terre et dans les enfers. 8
Où dors-tu, grande ombre d'Alcée ? 8
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