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Théodore de BANVILLE
IDYLLES PRUSSIENNES
1871
Épilogue
Rime, avant cet âge fatal, 8
Voilà bien longtemps, quand la France 8
Dans une coupe de cristal 8
Buvait le vin de l'espérance, 8
5 Sous mon front venant te poser, 8
Lors de ces époques heureuses 8
Tu chantais comme le baiser 8
Qui joint deux bouches amoureuses. 8
Quand la Patrie eut à son flanc 8
10 Reçu la blessure exécrable, 8
Lorsqu'il fallut donner son sang 8
Pour cette martyre adorable, 8
Tu résonnas comme un clairon 8
Qui raille le danger vulgaire, 8
15 Et ta voix, mieux que l'éperon, 8
Fit bondir les coursiers de guerre ! 8
Pleine de confiance encor, 8
Tu te jetais dans la mêlée, 8
Fière, sous ta cuirasse d'or, 8
20 Ainsi qu'une Penthésilée ; 8
Et plus d'une fois le Vainqueur, 8
Atteint jusque dans son génie, 8
Tressaillait sous l'accent moqueur 8
De ton implacable ironie ! 8
25 Maintenant, tout à mon souci, 8
Je t'entends, parmi les ténèbres, 8
Sonner sans trêve et sans merci, 8
Comme un glas aux notes funèbres, 8
Ou tu gémis, comme les flots 8
30 De la mer qui songe et qui veille. 8
O Rime, exhale tes sanglots 8
Tout bas, tout bas, à mon oreille. 8
Et moi, j'étoufferai sans bruit 8
Le cri qui de mon cœur s'élance, 8
35 Car étant plongés dans la nuit, 8
Il nous faut garder le silence. 8
Mais que, rendue à notre amour, 8
La divine, la bien-aimée 8
Sourie à la clarté du jour, 8
40 Sa plaie horrible étant fermée ; 8
Elle entendra ton chant joyeux, 8
Qui la caresse et qui la venge, 8
Monter éclatant dans les cieux 8
Et pareil à la voix d'un Ange ! 8
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