Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
IDYLLES PRUSSIENNES
1871
Henri Regnault
Henri Regnault ! La Muse pleure 8
Avec un long regard ami 8
Ce jeune homme illustre, avant l'heure 8
Dans la sombre gloire endormi. 8
5 O Mort, de forfaits coutumière ! 8
Charmant de sa jeunesse en fleur, 8
Il se jouait dans la lumière, 8
Créant la vie et la couleur. 8
Prenant à l'art ses énergies, 8
10 Ses voluptés et ses tourments, 8
Il s'enivrait de ses magies 8
Et de ses éblouissements. 8
A travers les étoffes rares, 8
Il voyait, d'un œil enchanté, 8
15 Sous l'or et les joyaux barbares 8
Vivre l'immortelle Beauté. 8
Déjà même, ivresse infinie ! 8
Il sentait, rêveur ébloui, 8
L'aile de son naissant génie 8
20 Palpiter au dedans de lui. 8
Oh ! qui consolera le père, 8
En son tourment sinistre et noir 8
Tombé du faîte où l'on espère 8
Dans le gouffre du désespoir ? 8
25 Qui ? le sacrifice lui-même 8
De cet enfant insoucieux, 8
Qui pour notre rachat suprême 8
A donné son sang précieux. 8
Sa mémoire vaillante et pure 8
30 A vaincu l'oubli meurtrier ; 8
A jamais dans sa chevelure 8
Verdira le divin laurier, 8
Et l'Envie aux dents de couleuvre, 8
Qui respecte notre sommeil, 8
35 Ne mutilera pas son œuvre 8
Où se joue un rayon vermeil. 8
Hélas ! la danseuse lassée 8
Qu'il peignit folle et sans remords, 8
C'est la Destinée insensée, 8
40 Assise parmi des trésors, 8
Qui, paresseuse et l'œil candide, 8
Sans rien vouloir ni rien sentir, 8
Joue avec le couteau splendide 8
Qui doit immoler un martyr ! 8
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