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Théodore de BANVILLE
IDYLLES PRUSSIENNES
1871
Paris
Ainsi, les nuits dans les tranchées, 8
L'arme au pied, le froid et la faim, 8
Les dures souffrances cachées 8
D'une attente morne et sans fin ; 8
5 Les batailles, les escarmouches, 8
Le sang qui coule sur vos pas, 8
Et les fusillades farouches 8
D'un ennemi qu'on ne voit pas ; 8
L'ami qui tombe, l'ombre noire 8
10 Où le hasard seul est vainqueur ; 8
La retraite après la victoire, 8
Avec le désespoir au cœur ; 8
Les Parisiens gais et pâles, 8
Devenus soldats en un jour, 8
15 Ont subi ces angoisses mâles 8
Avec une extase d'amour. 8
Enfants d'une mère meurtrie 8
Qu'ils adorent tous à genoux, 8
Les yeux tournés vers la Patrie, 8
20 Ils ont dit à la Mort : Prends-nous ! 8
Les blessés, fiers de leur martyre, 8
Sans baisser leurs regards voilés, 8
Ont vu même avec un sourire 8
Tomber leurs membres mutilés. 8
25 Dans la forteresse où nous sommes, 8
Nous avons, sans reprocher rien, 8
Rapporté morts des jeunes hommes, 8
Et leurs mères ont dit : C'est bien. 8
Paris aux mille renommées 8
30 A levé son front de géant ; 8
Il a fait sortir des armées 8
De la misère et du néant. 8
Graveur sur l'or et l'améthyste, 8
Tenant son délicat burin, 8
35 Il a su, de sa main d'artiste, 8
Fondre les lourds canons d'airain. 8
Partout, du faubourg Saint-Antoine 8
A l'ancien boulevard de Gand, 8
Il a mangé son pain d'avoine 8
40 Avec un dandysme élégant ; 8
Et lorsque l'orage des bombes 8
A formidablement tonné 8
Sur nos palais et sur nos tombes, 8
Ses femmes n'ont pas frissonné. 8
45 Tel fut Paris en ses désastres. 8
Tel ce héros, dont le front bout, 8
Tint son cœur plus haut que les astres, 8
Saignant et lassé, mais debout ! 8
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