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Théodore de BANVILLE
IDYLLES PRUSSIENNES
1871
Le fourrier Graf
Le fourrier Graf, ce Scipion 8
Semant partout sa gloire éparse, 8
N'était au fond qu'un espion ! 8
C'est le triomphe de la farce. 8
5 Pourtant, quels exploits que les siens ! 8
A la course et même à la nage, 8
Il décousait les Prussiens ; 8
Il en faisait un grand carnage. 8
Dans le baraquement assis, 8
10 Ce brave, entre deux pirouettes, 8
Les enfilait, dans ses récits, 8
Comme un chapelet d'alouettes. 8
Toujours le Prussien, guéri 8
De la vie en une seconde, 8
15 Était mort sans pousser un cri ; 8
C'était une mine féconde. 8
Graf ne voulait rien d'exigu ; 8
Il vengeait, pieuse démence ! 8
Un père, comme à l'Ambigu ; 8
20 C'était un guerrier de romance. 8
Chaque jour, ayant dépêché 8
Douze Prussiens, le treizième 8
Était par-dessus le marché. 8
D'ailleurs il opérait lui-même. 8
25 Il les envoyait galamment 8
Au pays des apothéoses. 8
Pourtant un jour, Dieu sait comment ! 8
On découvrit le pot aux roses. 8
S'il s'était fort évertué 8
30 A tramer des récits féeriques, 8
Graf, en somme, n'avait tué 8
Que des Prussiens chimériques. 8
Car son bagage tout entier 8
Était fait de ruse et d'astuce ; 8
35 Bref, il exerçait le métier 8
Que l'on trouve honorable en Prusse. 8
Le fait est prouvé, sans effort ; 8
Mais (on comprend que c'est dans l'ordre) 8
Le merveilleux nous plaît si fort 8
40 Que nous n'en voulons pas démordre. 8
Comme un conte des temps anciens, 8
La légende aimable et futile 8
De Graf tueur de Prussiens 8
S'étend comme une tache d'huile ; 8
45 Et revenant à ses amours 8
Avec des voluptés fantasques, 8
Monsieur Prudhomme dit toujours : 8
Mais, puisqu'il rapportait les casques ! 8
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