Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
IDYLLES PRUSSIENNES
1871
Un vieux Monarque
Un monarque aux favoris blancs, 8
Turbulent, ivrogne et féroce, 8
Affronte les passants tremblants 8
Et gonfle sa poitrine en bosse. 8
5 Il est rouge comme du vin. 8
Par Bacchus ! dit-il, on me brave ! 8
Moi le héros, l'homme divin ! 8
Moi le vainqueur ! moi, le burgrave ! 8
Moi le vieux qui, depuis longtemps, 8
10 Ai conquis, montrant ma semelle, 8
L'Europe et tous ses habitants, 8
Et les enfants à la mamelle ! 8
Moi qui puis à mon gré vêtir 8
Le bleu riant que chacun flatte, 8
15 Ou la vieille pourpre de Tyr, 8
L'azur céleste ou l'écarlate ! 8
Voyez, j'ouvre mon calepin 8
Enjolivé d'or et de nacre ; 8
Qui veut perdre le goût du pain ? 8
20 Qui faudra-t-il que je massacre ? 8
Qui donc m'a causé cet ennui ? 8
Son destin irrémédiable 8
Est de périr dès aujourd'hui, 8
Je le tuerai, fût-ce le diable ! 8
25 Or savez-vous qui parle ainsi 8
D'une voix rauque et solennelle 8
Qui monte parfois jusqu'au si ? 8
C'est le seigneur Polichinelle. 8
S'il a pris cet air espagnol 8
30 De fou décrochant une étoile, 8
C'est qu'il regrette son Guignol, 8
Son palais, sa maison de toile, 8
Dont un large obus éperdu 8
A massacré la vieille gloire, 8
35 L'autre jour, au beau milieu du 8
Carrefour de l'Observatoire. 8
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