Métrique en Ligne
BAN_10/BAN460
Théodore de BANVILLE
IDYLLES PRUSSIENNES
1871
L'Empereur
L'empire est fait. Le roi, que flatte 8
L'Europe, attentive à son jeu, 8
Marche dans la pourpre écarlate 8
Et tient en main le globe bleu. 8
5 Tandis que les rois, dans leur force, 8
Ne sont que Victor ou que Jean, 8
Superbe, il peut couvrir son torse 8
De la cuirasse de Trajan. 8
Il est le divin porte-glaive ; 8
10 Et les Allemands indécis 8
N'osent plus affronter qu'en rêve 8
Le froncement de ses sourcils. 8
Cachant son regard insondable, 8
Ainsi qu'une idole d'airain, 8
15 Il pose sa main formidable 8
Sur l'épaule du dieu du Rhin. 8
L'univers avec lui respire ! 8
Mais tout à coup, — est-ce un hasard ? 8
Vibre un énorme éclat de rire, 8
20 Qui raille le nouveau César. 8
Qui donc ? lui ! comme un roi vulgaire, 8
On le raille ! O deuil ! ô courroux ! 8
Assemblez les conseils de guerre, 8
Et graissez à neuf les verrous ! 8
25 Cherchez une tombe bien noire 8
Qui cache au monde extérieur 8
Cet insulteur de votre gloire, 8
Cet être effronté, ce rieur ! 8
Non, non, ne dérangez personne, 8
30 Geôliers de l'empire naissant ; 8
Car ce rire effrayant qui tonne, 8
Ce grand rire retentissant, 8
Ce rire surhumain qui roule 8
De la terre jusqu'au ciel bleu, 8
35 Fort comme celui d'une foule 8
Et clair comme celui d'un dieu, 8
Et qui fait trembler l'Allemagne, 8
Sort, beau de joie et de fureur, 8
De la tombe de Charlemagne : 8
40 C'est Lui qui rit, Lui, l'Empereur ! 8
logo du CRISCO logo de l'université