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Théodore de BANVILLE
IDYLLES PRUSSIENNES
1871
Sabbat
Ah ! au milieu du chant, une souris
rouge lui a jailli de la bouche.
Goethe,Faust.
C'est le sabbat. Des femmes nues 8
Aux ailes de chauve-souris 8
Volent prestement dans les nues, 8
Au-dessus des toits de Paris. 8
5 Germania mène la danse, 8
Plus folle qu'un cheval sans mors 8
Ou qu'une urne qui n'a plus d'anse, 8
Sur la colline où sont les morts. 8
Cette Gretchen dorée et blanche, 8
10 Dans ses prunelles de saphir 8
Montre des reflets de pervenche. 8
Elle frémit pour un zéphyr 8
Ou pour un brin d'herbe qui bouge, 8
Comme une Agnès au temps jadis ; 8
15 Mais parfois une souris rouge 8
Sort de sa bouche aux dents de lys ! 8
En face d'elle se trémousse 8
Un cuirassier, brillant Myrtil, 8
Qui fait merveille sur la mousse. 8
20 Oh ! le beau sabbat ! lui dit-il ; 8
Sous ce brillant habit de reître, 8
Sans plume de coq ni manteau, 8
Qui diable pourrait reconnaître 8
Le vieux compère Méphisto ? 8
25 D'où je viens avec mon amante, 8
On ne s'en doutera jamais, 8
Et je veux, ô ma Bradamante, 8
Vous faire impératrice ! — Mais, 8
Comme il la berce d'un tel conte, 8
30 Embéguiné dans ses amours, 8
De Moltke dit : Pardon, cher comte ! 8
On vous reconnaîtra toujours, 8
Tant votre valeur a de lustre, 8
Fussiez-vous même à Fernambouc ; 8
35 Et là, dans votre botte illustre 8
On voit très-bien le pied de bouc ! 8
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