Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
IDYLLES PRUSSIENNES
1871
Les Chefs
L'heure formidable où nous sommes 8
Ne veut pas que nos généraux 8
Ne soient que des conducteurs d'hommes. 8
Ils sont soldats, ils sont héros, 8
5 Et comme ceux qui, d'habitude, 8
Faisaient flamboyer leur cimier 8
Où le choc était le plus rude, 8
Et, Roland ou François Premier, 8
Mettaient la main à la besogne, 8
10 Ils osent, s'en souciant peu, 8
Combattre sans nulle vergogne 8
Et montrer leur poitrine au feu. 8
Il ne faut pas qu'on les en raille ! 8
La folle bravoure leur sied. 8
15 Quand leurs chevaux sous la mitraille 8
Tombent, ils vont encore à pied ; 8
Ils vont vers la Mort, cette louve, 8
La nuit, lui barrant le chemin, 8
Et la rouge aurore les trouve 8
20 Un tronçon de sabre à la main ! 8
Puis, ignorant l'orgueil servile, 8
Noirs de poudre, sanglants, blessés, 8
Ces vainqueurs rentrent dans la ville, 8
Triomphants, et les yeux baissés. 8
25 Leurs âmes n'étant point esclaves, 8
Chacun d'eux pour la tombe est prêt. 8
S'ils pouvaient, ces braves des braves, 8
Envier quelqu'un, ce serait 8
Celui qui succombe en silence, 8
30 Beau de sa mâle austérité, 8
Veillé sur son lit d'ambulance 8
Par une sœur de charité, 8
Et qui, pâle, étend sa main blanche, 8
Voulant conjurer nos malheurs, 8
35 Tandis que vers son front se penche 8
Un vieux soldat qui fond en pleurs. 8
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