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Théodore de BANVILLE
IDYLLES PRUSSIENNES
1871
La Contagion
La Contagion, dans ce temps 8
Épouvantable des histoires, 8
Sur nos ennemis hésitants 8
Éparpille ses flèches noires. 8
5 Ils meurent en leurs lits fiévreux, 8
Tandis que dans leur âme crie, 8
Au milieu de songes affreux, 8
La figure de la Patrie. 8
D'un œil morne et vivant encor, 8
10 Ils voient, loin des salles moroses, 8
Leurs femmes aux longs cheveux d'or 8
Et leurs enfants aux bouches roses. 8
Et brûlants, le sein haletant, 8
Ils cherchent, dans leur longue épreuve, 8
15 Le gai village, reflétant 8
Ses maisons blanches dans le fleuve ! 8
Ils meurent, soldats, cavaliers, 8
Jeunes gens gais comme l'aurore, 8
Par centaines et par milliers, 8
20 Et la chaux vive les dévore. 8
Parfois, sentant comme un remord 8
A voir cette masse vivante 8
S'écrouler ainsi dans la mort, 8
Leur chef se trouble et s'épouvante. 8
25 Fléau, dit-il d'un cœur transi, 8
Que veut ta rage envenimée ? 8
Pourquoi viens-tu me prendre ainsi 8
Tout le meilleur de mon armée ? 8
Pourquoi viens-tu nous immoler ? 8
30 Mais la Contagion impure 8
Devient visible et fait voler 8
Les serpents de sa chevelure, 8
Et parle ainsi : — Quand les clairons, 8
Déchaînés sur les territoires, 8
35 Font frissonner les ailerons 8
Noirs et sinistres des Victoires ; 8
Quand montent les arcs triomphaux ; 8
Quand les Batailles aux longs râles 8
Vont tranchant de leur large faux 8
40 Des moissons de cadavres pâles ; 8
Quand vous avez dit : Tue ou meurs ! 8
Quand de la terre qui poudroie 8
Montent d'effroyables clameurs ; 8
Quand la Guerre tonne et foudroie 8
45 Au milieu des champs douloureux, 8
Cette meurtrière à l'œil sombre 8
M'apporte dans le vol affreux 8
De ses ailes. Je suis son Ombre. 8
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