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Théodore de BANVILLE
IDYLLES PRUSSIENNES
1871
Chien perdu
Quand, s'étant coiffé de son heaume, 8
Il partit pour venir ici, 8
Bismarck suivit le roi Guillaume ; 8
De Moltke le suivit aussi. 8
5 Les princes aussi les suivirent ; 8
Puis après, généralement, 8
La Prusse, puis tous ceux qui virent 8
Lever le soleil allemand. 8
Ils vinrent, ceux de la Bavière 8
10 Et même les Wurtembergeois, 8
Et le sang, comme une rivière, 8
Lava les pieds de ces bourgeois. 8
Rassasiés de funérailles, 8
Ils croyaient entrer à Paris ; 8
15 Mais, foudroyés par nos murailles, 8
Ils durent s'arrêter, surpris. 8
Et, savourant, parmi ces drames, 8
Tout l'ennui qu'on peut éprouver, 8
Ils écrivirent à leurs femmes 8
20 Qu'elles vinssent les retrouver. 8
Alors vers leurs lèvres gourmandes, 8
Pour mettre un terme à leurs tourments, 8
Vinrent les femmes allemandes 8
Avec les petits Allemands. 8
25 Puis, lorsqu'en vain ils essuyèrent 8
Les écuelles d'un air câlin, 8
Les chiens prussiens s'ennuyèrent ; 8
Ils vinrent aussi de Berlin, 8
Espoirs des futurs holocaustes ! 8
30 Moi-même j'en vis quelques uns 8
Flâner jusqu'à nos avant-postes ; 8
Des noirs, des jaunes et des bruns. 8
Un surtout, — oh ! si triste ! Seule, 8
Sa queue était gaie. Il tenait 8
35 Une sébile dans sa gueule, 8
Pour apitoyer Dumanet. 8
Et même, d'une façon nette, 8
Je compris qu'il eût au besoin 8
Joué des airs de clarinette, 8
40 Et pris le roi Zeus à témoin. 8
Cet animal était habile ! 8
Par un geste vraiment trouvé, 8
Bien vite il posa sa sébile 8
Tout près de moi, sur un pavé. 8
45 — Pauvre chien vagabond, lui dis-je, 8
Que veux-tu ? Dis, que te faut-il ? 8
Mais soudain, — ô rare prodige 8
Permis par quelque dieu subtil,— 8
J'entendis parler ce caniche ! 8
50 Et comme je tirais deux liards 8
Pour le renvoyer à sa niche, 8
Il répondit : — Cinq milliards ! 8
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