Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
IDYLLES PRUSSIENNES
1871
Le Mourant
Le Soldat
Dans la fumée affreuse et noire, 8
Ayant du sang jusqu'aux genoux, 8
Il nous faut suivre la Victoire 8
Sans regarder derrière nous ! 8
5 O mon vaillant frère, pardonne ! 8
Moi, je me sens désespérer, 8
Car tu meurs, et je t'abandonne. 8
Ah ! du moins, laisse-moi pleurer. 8
Le Mobile
Non ! car je meurs ivre de joie ! 8
10 Va, suis là-bas nos tirailleurs 8
Que le canon blesse et foudroie ; 8
Je n'ai pas besoin de tes pleurs. 8
Mon sang inonde les clairières ; 8
Mais, ô jour longtemps souhaité ! 8
15 J'en vois naître ces deux guerrières, 8
La Vengeance et la Liberté ! 8
Le Soldat
Mais tu t'en vas, si jeune encore ! 8
Le Mobile
Frère, ce qui remplit mes yeux 8
Ce n'est pas la nuit, c'est l'aurore. 8
20 Va combattre. Je suis joyeux. 8
Le Soldat
Une douce lèvre fleurie 8
Sans doute eût béni ton retour ! 8
Le Mobile
Ma fiancée est la Patrie ! 8
Qu'elle ait mon dernier cri d'amour ! 8
Le Soldat
25 Et plus tard, dans ta maison close, 8
Des enfants, beaux comme des lys, 8
T'auraient tendu leur bouche rose. 8
Le Mobile
Ceux-là qui vaincront sont mes fils ! 8
Que l'azur sur leurs têtes brille ! 8
30 Ils vont me suivre et me venger. 8
On n'a ni maison ni famille 8
Sous le talon de l'étranger. 8
Le Soldat
Et ta mère, au front angélique ! 8
Le Mobile
Orpheline par mon trépas, 8
35 Je la lègue à la République. 8
Va donc, et ne me pleure pas. 8
Le Soldat
Je ne pleure plus, je t'envie ! 8
Exhale en paix d'un cœur fervent 8
Le dernier souffle de ta vie ! 8
Le Mobile
40 Le clairon t'appelle. En avant ! 8
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