Métrique en Ligne
BAN_10/BAN437
Théodore de BANVILLE
IDYLLES PRUSSIENNES
1871
Le Cuisinier
Bismarck a dit : Pour les réduire, 8
Tous ces Parisiens que j'eus 8
En haine, il faut les laisser cuire 8
Jusqu'au bon moment, dans leur jus. 8
5 En attendant qu'il nous perfore, 8
Notre ennemi pille Varin, 8
Joue, emprunte sa métaphore 8
A l'art de Brillat-Savarin, 8
Se fait blanc comme une avalanche, 8
10 Et même, d'un air ingénu, 8
Décore de la toque blanche 8
Son crâne, ce blanc rocher nu. 8
Donc il se fait, d'un cœur tranquille, 8
Cuisinier. Oui. Pas de mot vain. 8
15 Il est cuisinier, — comme Achille ! 8
Et, comme ce boucher divin, 8
S'il le peut, guerrier magnanime, 8
Jetant loin de lui son manteau, 8
Dans la gorge de la victime 8
20 Il enfoncera le couteau. 8
Il veut, ce nouveau Péliade 8
Choisi pour forger les destins, 8
Que les chants de son Iliade 8
Soient coupés de larges festins ! 8
25 Lorsque sera venu le terme 8
Déjà fixé, la hache au flanc, 8
Il portera d'une main ferme 8
Le vase où doit tomber le sang. 8
Il veut, comme on faisait en Grèce, 8
30 Brûlant sous le ciel radieux 8
Les entrailles avec la graisse, 8
En offrir la fumée aux Dieux ; 8
Il veut, lui soldat qu'on redoute, 8
Cuirassier, général en chef, 8
35 Savoir quel goût, quand on les goûte, 8
Ont les vrais Parisiens ; — bref, 8
Il veut — c'est le désir en somme 8
Dont il fut toujours démangé 8
Dire un jour de nous, le pauvre homme : 8
40 Ils étaient bons, j'en ai mangé ! 8
logo du CRISCO logo de l'université