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Théodore de BANVILLE
IDYLLES PRUSSIENNES
1871
Rouge et Bleu
O République ! dans leur antre 8
Il fut des traitants rabougris 8
Qui faisaient un dieu de leur ventre 8
Et que le Vice avait pourris. 8
5 Ceux-là, pour qui les heures douces 8
Avaient des plaisirs de haut goût, 8
Les acheteurs de filles rousses 8
Et les marchands de rien du tout, 8
C'étaient les faiseurs de pastiches, 8
10 Si jolis, — si tristement laids, 8
Et les gentilshommes postiches : 8
Ils sont partis ! bénissons-les, 8
Ces petits-crevés sans haleine, 8
Sans âme et sans barbe au menton, 8
15 Qui riaient d'Orphée et d'Hélène 8
Avec des Phrynés de carton ! 8
Ce qui reste dans tes murailles 8
Où l'on ne connaît pas l'effroi, 8
Par le sang et par les entrailles, 8
20 O Paris ! est digne de toi. 8
Ceux qui demeurent, sur la lèvre 8
Ont la bataille sans merci ; 8
Et, fils de Mercier ou de Febvre 8
Ou bien fils de Montmorency, 8
25 Ils ont des cœurs que rien ne glace, 8
Et combattre est leur seul besoin. 8
Tes fils, ô grande Populace, 8
Et les marquis venus de loin 8
Ont les désirs qui sont les nôtres ; 8
30 Et Paris, qui veut tout souffrir, 8
Voit que, les uns comme les autres, 8
Ils savent marcher et mourir. 8
Le peuple, fait d'âmes stoïques, 8
Ayant brisé son vieux lien, 8
35 S'envole aux trépas héroïques, 8
Et les marquis meurent, très-bien. 8
Ils vont où le plomb tue ou blesse, 8
Les uns font bien, les autres mieux ; 8
Et tous, populace et noblesse, 8
40 Ils sont dignes de leurs aïeux ! 8
Restés sans peur et sans reproche, 8
Jacques Bonhomme avec Roland, 8
Amadis de Gaule et Gavroche 8
Vont ensemble au combat hurlant, 8
45 Et, conquérant d'égales tombes 8
Devant la batterie en feu, 8
Mêlent, sous les éclats des bombes, 8
Le sang rouge avec le sang bleu ! 8
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