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Théodore de BANVILLE
IDYLLES PRUSSIENNES
1871
A la Patrie
Oui, je t'aimais, ô ma Patrie ! 8
Quand, maîtresse des territoires, 8
Tu menais de ta main chérie 8
Le chœur éclatant des Victoires ; 8
5 Lorsque, souriante et robuste 8
Et pareille aux Anges eux-mêmes, 8
Tu mêlais sur ta tête auguste 8
Les lauriers et les diadèmes ! 8
Vivant passé, que rien n'efface ! 8
10 Les peuples, ô grande ouvrière, 8
N'osaient te regarder en face 8
Dans ta cuirasse de guerrière ; 8
Et toi, retrouvant dans ton rêve 8
L'âme de Pindare et d'Eschyle, 8
15 Tu portais, sans laisser ton glaive, 8
La lyre des Dieux, comme Achille ! 8
Calme sous l'azur de tes voiles, 8
Et multipliant les prodiges, 8
Tu pouvais semer des étoiles 8
20 Sur les rênes de tes quadriges ; 8
On louait ta blancheur de cygne 8
Et ton ciel, dont la transparence 8
Charme tes forêts et ta vigne ; 8
On disait : Voyez ! c'est la France ! 8
25 Oui, je t'aimais alors, ô Reine, 8
Menant dans tes champs magnifiques 8
Brillants d'une clarté sereine 8
Tous les triomphes pacifiques ; 8
Mais à présent, humiliée, 8
30 Sainte buveuse d'ambroisie, 8
Farouche, acculée, oubliée, 8
Je t'adore ! Avec frénésie 8
Je baise tes mains valeureuses, 8
A présent que l'éponge amère 8
35 Brûle tes lèvres douloureuses 8
Et que ton flanc saigne, — ma mère ! 8
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