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Théodore de BANVILLE
IDYLLES PRUSSIENNES
1871
L'Histoire
Bismarck en soldat qu'on redoute 8
Parle, et, sans le contrarier, 8
L'austère Déesse l'écoute, 8
Pensive sous son vert laurier. 8
5 Oui, dit le chancelier, en somme, 8
Berger ou comte palatin, 8
Monarque ou mendiant, tout homme 8
Est l'artisan de son destin. 8
Qu'il porte la pourpre ou la bure, 8
10 Pauvre ou détenteur d'un trésor, 8
Qu'il soit né dans la foule obscure 8
Ou sur le trône aux franges d'or, 8
Ses œuvres, dont il est le maître 8
Et dont il n'a pas hérité, 8
15 Décideront ce qu'il doit être, 8
Même pour la postérité ! 8
Cet assassin à tête blonde 8
Qui prend la lyre d'Arion, 8
Néron, quoique maître du monde, 8
20 N'est qu'un insipide histrion. 8
Alexandre suit sa chimère 8
Comme un soldat sans feu ni lieu, 8
Et cependant l'aveugle Homère 8
De mendiant devient un dieu. 8
25 On ne saurait tromper la gloire 8
Devant l'avenir indigné. 8
Que devient un titre illusoire 8
Si nous ne l'avons pas gagné ? 8
Murat, qui, d'un geste bravache 8
30 Voulant fendre en deux les cieux clairs, 8
Va, faisant siffler sa cravache 8
Parmi la foudre et les éclairs, 8
Qu'est-il pour la France hautaine, 8
Pour cette guerrière aux yeux bleus ? 8
35 Un roi ? non ; mais un capitaine, 8
Un vague Roland fabuleux, 8
Un courtisan de l'aventure. 8
Et Marceau, tenant dans sa main 8
Son épée invincible et pure, 8
40 Est plus grand qu'un César romain ! 8
C'est pourquoi, Déesse, si j'ose 8
Agir comme un roi, je suis roi, 8
Créant ma propre apothéose ! 8
Bismarck, par ces mots qui font loi, 8
45 D'une manière péremptoire 8
Achève sa péroraison. 8
Brigadier, lui répond l'Histoire, 8
Brigadier, vous avez raison ! 8
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