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Théodore de BANVILLE
IDYLLES PRUSSIENNES
1871
Le Turco
Quant au lieutenant de turcos, 8
Il a la prunelle électrique. 8
Ses principes sont radicaux ; 8
Il est tout noir, venant d'Afrique. 8
5 La dame — son nom triomphant 8
Est bien connu dans tout Mayence 8
A de longs cheveux blonds d'enfant 8
Avec de grands yeux bleu-faïence. 8
L'une avait un bon cuisinier, 8
10 L'autre sa verve fanfaronne, 8
Si bien qu'enfin le prisonnier 8
Finit par plaire à la baronne. 8
Mais elle eut le cœur bien marri 8
Quand le mal fut fait. Ciel, dit-elle, 8
15 Tromper, hélas ! un tel mari ! 8
J'en sens une peine mortelle ! 8
Un baron à seize quartiers, 8
Dont le burg, bravant les huées, 8
Pour ceinture a des bois entiers, 8
20 Et dort le front dans les nuées ! 8
Un seigneur au cœur ingénu, 8
Qui parmi ses aïeux insignes 8
Compte Sigefroi le Cornu, 8
Et qui nourrit cinquante cygnes ! 8
25 Un si digne maître ! un baron 8
Aux doux cheveux de miel, qui brave 8
Les hivers, et chasse au héron 8
Dans ses forêts, comme un landgrave ! 8
A ces mots, plus navrée encor, 8
30 Dans la chambre même où l'on dîne, 8
La pauvre baronne au front d'or 8
Fondait en pleurs, comme une ondine. 8
Morne, elle répétait toujours : 8
Trahir une telle noblesse ! 8
35 Mais, fort expert en fait d'amours, 8
Voyant bien où le bât la blesse, 8
Le turco, tant de fois vainqueur, 8
Trouva l'argument sans réplique, 8
Et, l'embrassant d'un vaillant cœur, 8
40 Cria : Vive la République ! 8
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