Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
IDYLLES PRUSSIENNES
1871
Le Charmeur
Tandis que les jeunes Bretons 8
Sous l'éclair du soleil oblique 8
Passaient, et que leurs pelotons 8
Criaient : Vive la République ! 8
5 On m'a montré, parmi leurs flots, 8
Dans les brumes orientales, 8
Un sous-lieutenant de moblots 8
Dont le regard charme les balles. 8
Sa moustache est comme un fil d'or ; 8
10 C'est un enfant à la main blanche, 8
Et le ciel se reflète encor 8
Dans sa prunelle de pervenche. 8
Il fait beau voir ces yeux ardents 8
Et ce jeune corps svelte et grêle. 8
15 Il va seul, une fleur aux dents, 8
Où le plomb siffle comme grêle, 8
Et les balles, dont les réseaux 8
S'entre-croisent dans la tourmente, 8
Voltigent, comme des oiseaux, 8
20 Autour de sa tête charmante 8
Et le semblent caresser, mais 8
Sans songer à lui faire injure 8
Et sans même offenser jamais 8
Les boucles de sa chevelure. 8
25 Les femmes l'admirent aussi ; 8
Mais bien loin d'être leur esclave, 8
Il n'a d'elles aucun souci. 8
Car sachez que ce jeune brave 8
A fait un pacte avec la Mort, 8
30 Et cette noire enchanteresse, 8
Dont la dent cruelle nous mord, 8
Doit être sa seule maîtresse. 8
Il marche au feu comme il lui plaît, 8
Grâce à la Déesse impassible 8
35 Qui toujours le protège. Elle est 8
Sa Dame, et le rend invincible. 8
Elle aura cet amant si cher, 8
Mais quand nos ennemis superbes, 8
Navrés et meurtris dans leur chair, 8
40 Dormiront couchés sous les herbes. 8
Car le héros, qu'avec amour 8
Elle suit de ses yeux d'ivoire, 8
Ne doit l'épouser que le jour 8
De notre suprême victoire ! 8
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