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Théodore de BANVILLE
IDYLLES PRUSSIENNES
1871
Les Femmes violées
Les atrocités des Prussiens continuent
à Versailles.
De nombreuses femmes et jeunes filles ont
été violées, non seulement par les soldats,
mais aussi par les officiers.
Plusieurs sont devenues folles à la suite
de ces violences, d'autres sont mortes.
Les Journaux.
Ces mortes que la brise effleure 8
De leurs chevelures voilées, 8
Ces mortes blanches, tout à l'heure 8
C'étaient des femmes violées. 8
5 Sur leur front triste et sur leur face, 8
Le vent caressant qui se joue, 8
De son aile tremblante efface 8
Vos baisers de sang et de boue. 8
O Prussiens, ô capitaines ! 8
10 Tout à l'heure ces femmes pâles 8
Suppliaient vos lèvres hautaines 8
Avec des sanglots et des râles ; 8
Et vous, les mains de sang tachées, 8
Gais, meurtrissant chaque victime, 8
15 Devant leurs mères attachées, 8
Vous avez froidement… O crime ! 8
A l'heure où vos fils à l'œil sombre 8
Pleureront aux lueurs des lampes, 8
Où la Mort posera dans l'ombre 8
20 Son doigt de marbre sur vos tempes, 8
Vous les reverrez, ces martyres 8
Qui, la prunelle encor vivante, 8
Sous vos caresses de satyres 8
Se débattaient dans l'épouvante ! 8
25 Oui, ces cadavres et ces folles, 8
Tendant leurs longues mains d'ivoire, 8
Contre vous alors, sans paroles 8
Témoigneront dans la nuit noire. 8
Et Dieu, dans la voûte étoilée, 8
30 Ne verra votre âme anxieuse 8
Qu'à travers l'horrible mêlée 8
De leur troupe silencieuse. 8
Montrant au ciel qui les regarde 8
Leurs ventres souillés, vos amantes, 8
35 Foule hâve, morne, hagarde, 8
Tordront leurs lèvres écumantes. 8
Plus blanches qu'une aile de cygne, 8
Elles vous montreront, vous dis-je, 8
D'un doigt vengeur qui vous désigne ; 8
40 Et vous, par un affreux prodige, 8
Au fond de leurs foules obscures, 8
Dans les ombres visionnaires 8
Vous apercevrez les figures 8
De vos filles et de vos mères ! 8
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