Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
IDYLLES PRUSSIENNES
1871
La Besace
L'air est lourd et le soleil fauve. 8
Dis, que veux-tu, bon Allemand, 8
Pauvre vieillard au crâne chauve, 8
Pour t'en aller tranquillement ? 8
5 Que faut-il mettre en ta besace ? 8
Âmes secourables, merci. 8
Mettez-y, s'il vous plaît, l'Alsace ; 8
Mettez-y la Lorraine aussi. 8
Sur votre bonté souveraine 8
10 Pour l'amour de Dieu j'ai compté : 8
Dans mon sac avec la Lorraine 8
Mettez-moi la Franche-Comté ! 8
Messieurs, à Dieu je recommande 8
Votre vendange et vos moissons ! 8
15 Ma besace a la bouche grande, 8
Mettez-y, s'il vous plaît, Soissons. 8
Je vous bénis, que Dieu m'entende ! 8
Et je ne réclame plus rien 8
(Ma besace a la bouche grande) 8
20 Sinon le mont Valérien ! 8
Bon vieillard au crâne d'ivoire, 8
Dont les jours heureux sont passés, 8
Reste ici jusqu'à la nuit noire : 8
Tu ne demandes pas assez ! 8
25 Pour apaiser ta faim qui raille, 8
Vieillard chauve, nous te donnons 8
Les éclats de notre mitraille 8
Et les boulets de nos canons, 8
Et le sang que ton cœur préfère, 8
30 Vieillard, et nous allons t'offrir 8
Les prodiges que peuvent faire 8
Tous ceux qui veulent bien mourir. 8
Nous t'offrons un festin sur l'herbe, 8
Où devant toi dans le ravin 8
35 Le sang généreux et superbe 8
Ruissellera comme du vin, 8
Où la Mort, ta fidèle amante, 8
Blanche sous le casque allemand, 8
Peut remplir sa coupe fumante 8
40 Et se soûler hideusement. 8
Oui, vous pourrez manger et boire 8
Et laver vous bras rafraîchis, 8
Toi, vieillard au crâne d'ivoire 8
Et ton amante aux os blanchis ! 8
45 Devant les paroles railleuses, 8
Paris est lent à s'étonner : 8
Écoute un peu nos mitrailleuses, 8
Ce sont elles qui vont tonner. 8
Donc, mange à ta faim ! Continue. 8
50 Les noirs corbeaux au bec durci 8
Qui volent en haut dans la nue 8
Prétendent qu'ils ont faim aussi ! 8
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