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Théodore de BANVILLE
Les Cariatides
1842
LIVRE TROISIÈME
À MADAME CAROLINE ANGEBERT
Chanter, mais dans le soir sonore 8
Et pour ses amis seulement, 8
Fuir le bruit qui nous déshonore 8
Et le vil applaudissement ; 8
5 Brûler, mais conserver sa flamme 8
Pour le seul but essentiel, 8
Être cette espérance, une âme 8
Qui chaque jour s'emplit de ciel ; 8
Avec une pensée insigne 8
10 Qui vous berce dans ses éclairs, 8
Vivre, blanche comme le cygne 8
Parmi les flots dorés et clairs ; 8
Ne rien chercher que la lumière, 8
S'envoler toujours loin du mal 8
15 Sur les ailes de la prière, 8
Jusqu'au glorieux idéal ; 8
Sentir l'ode au grand vol qui passe 8
En ouvrant ses ailes sans bruit, 8
Mais ne lui parler qu'à voix basse 8
20 Dans le silence et dans la nuit ; 8
Rappeler sa pensée errante 8
Dans les pourpres de l'horizon ; 8
Être cette fleur odorante 8
Qui se cache dans le gazon ; 8
25 Telle est votre gloire secrète, 8
Esprit de flammes étoilé, 8
Dont l'inspiration discrète 8
Fait tressaillir un luth voilé ! 8
Ah ! Que la grande poëtesse, 8
30 Devant les vastes flots déserts 8
Maudissant la bonne déesse, 8
Jette sa plainte dans les airs ! 8
Que la douloureuse Valmore, 8
En arrachant l'herbe et les fleurs, 8
35 Montre à l'insoucieuse aurore 8
Ses beaux yeux brûlés par les pleurs ! 8
Mais celle qui pourrait comme elles 8
Suivre le grand aigle irrité, 8
Et qui domptant ses maux rebelles 8
40 Se résigne à l'obscurité, 8
Celle-là, guérie en ses veines, 8
Sent le calme victorieux 8
Triompher des angoisses vaines ; 8
Et ces êtres mystérieux 8
45 Dont l'invincible souffle enchante 8
Ce qui vit et ce qui fleurit, 8
Disent entre eux lorsqu'elle chante : 8
Écoutons-la, c'est un esprit. 8
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