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Théodore de BANVILLE
Les Cariatides
1842
LIVRE DEUXIÈME
VÉNUS COUCHÉE
D'un plus hault vol, d'aile mieux emplumee
Ne la pouuoit rauir ce petit Dieu ;
Et ne pouuoit encor' en plus hault lieu,
Ny en plus seur sa flamme estre allumée.
JOACHIM DV BELLAY, Inscriptions.
L'été brille ; Phœbus perce de mille traits, 12
En haine de sa sœur, les vierges des forêts, 12
Et dans leurs flancs brûlés de flammes vengeresses 12
Il allume le sang des jeunes chasseresses. 12
5 Dans les sillons rougis par les feux de l'été, 12
Entouré d'un essaim, le bœuf ensanglanté 12
Marche les pieds brûlants sous de folles morsures. 12
Tout succombe : au lointain les nymphes sans ceintures 12
Avec leurs grands cheveux par le soleil flétris 12
10 Épongent leurs bras nus dans les fleuves taris, 12
Et, fuyant deux à deux le sable des rivages, 12
Vont cacher leurs ardeurs dans les antres sauvages. 12
Dans le fond des forêts, sous un ciel morne et bleu, 12
Vénus, les yeux mourants et les lèvres en feu, 12
15 S'est couchée au milieu des grandes touffes d'herbe 12
Ainsi qu'une panthère indolente et superbe. 12
Dénouant son cothurne et son manteau vermeil, 12
Elle laisse agacer par les traits du soleil 12
Les beaux reins d'un enfant qui dort sur sa poitrine, 12
20 Et tandis que frémit sa lèvre purpurine, 12
Un ruisseau murmurant sur un lit de graviers, 12
Amoureux de Cypris, vient lui baiser les pieds. 12
Sur son beau sein de neige Éros maître du monde 12
Repose, et les anneaux de sa crinière blonde 12
25 Brillent, et cependant qu'un doux zéphyr ami 12
Caresse la guerrière et son fils endormi, 12
Près d'eux gisent parmi l'herbe verte et la menthe 12
Les traits souillés de sang et la torche fumante. 12
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