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Théodore de BANVILLE
Les Cariatides
1842
LIVRE DEUXIÈME
SONGE D'HIVER
X
Je bois à toi, jeune reine ! 7
Endormeuse souveraine, 7
Oublieuse des soucis ! 7
Car c'est pour bercer ma joie 7
5 Que ton caprice déploie 7
Les lits de pourpre et de soie, 7
Charmeresse aux noirs sourcils ! 7
Ta folle toison hardie 7
Brille comme l'incendie 7
10 Hôtesse du flot amer, 7
Ta gorge aiguë étincelle 7
Dans un rayon qui ruisselle ; 7
Tu gardes sous ton aisselle 7
Tous les parfums de la mer. 7
15 Ta chevelure est vivante. 7
Elle frappe d'épouvante 7
Le lion et le vautour : 7
Sur ton beau ventre d'ivoire 7
S'éparpille une ombre noire, 7
20 Et tu marches dans ta gloire, 7
Superbe comme une tour. 7
Ô déesse protectrice ! 7
Heureux, ô sage nourrice, 7
L'athlète aux muscles ardents 7
25 Qui tout couvert de blessures, 7
D'écume et de meurtrissures, 7
Appelle encor les morsures 7
De ta lèvre et de tes dents ! 7
Toi seule, ô bonne déesse, 7
30 As l'incurable tristesse 7
De l'étoile et de la fleur 7
Sous l'or touffu qui te baigne ; 7
Et ton désespoir m'enseigne 7
Sur ton flanc glacé qui saigne 7
35 L'extase de la douleur. 7
Honte au cœur timide ! Il trouve 7
Sous ta figure, la louve 7
Qu'il nomme réalité. 7
Mais à celui qui t'adore 7
40 Ta main, où tout flot se dore, 7
Verse, ô fille de Pandore, 7
Un vin d'immortalité ! 7
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