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corpus Pamela Puntel
(auteur anonyme)
A NOS FRÈRES DE_BELGIQUE
1870
A NOS FRÈRES DE_BELGIQUE
Eh quoi ! soudain frappés de guerrières alarmes, 12
Comme aux jours du péril vous sautez sur vos armes 12
Parce que notre France au despote a dit : « Non ! » 12
Quoi ! parce qu'en réponse à ses façons altières 12
5 Nos drapeaux de leurs plis étreignent nos frontière 12
Vous veillez, la charge au canon ! 8
Frères, serait-ce vous que menacent nos aigles ? 12
Au mépris des traités, ces équitables règles, 12
Contre vous nos soldats vont-ils de toutes parts ? 12
10 Au delà du permis descendons-nous la Meuse ? 12
Aurions-nous à Namur pointé la mitrailleuse ? 12
D'Anvers menacé les remparts ? 8
L'enthousiasme ailleurs nous promet des passages. 12
Forts, nous avons montré la réserve des sages. 12
15 Nos patients oublis, le monde en est témoin ! 12
Et l'on se peut fier à nous lorsque, nous-mêmes, 12
Nous intimons au flot de nos ardeurs suprêmes 12
L'ordre : « Tu n'iras pas plus loin ! » 8
Mais voulez-vous qu'ici, pour vous, je le proclame ? 12
20 De nos transports bouillants si, généreuse flamme, 12
La sainte fièvre en vous propage ses accès, 12
Eh bien ! c'est qu'accusant de hautes origines, 12
Vous avez senti battre en vos mâles poitrines 12
Des cœurs gaulois, des cœurs français. 8
25 Sommes-nous pas enfants de la même patrie ? 12
De la main des Césars pour l'arracher, meurtrie, 12
Ne serrions-nous pas tous un belliqueux faisceau ? 12
Le Franc dont, vif et pur, le sang gonfle nos veines, 12
N'a-t-il pas élevé son pavois sur vos plaines ? 12
30 N'êtes-vous pas notre berceau ? 8
Ne nous tenait-il pas dans sa main triomphante 12
Celui qu'à l'heure auguste où l'humble Vierge enfante 12
La tiare dota du sceptre impérial ? 12
De quel œil eût-il vu cette audace insensée 12
35 Qu'on séparât Tournay, même par la pensée, 12
De Laon, d'Aix, son Escurial ? 8
Nos rois vous ont voulus ! Les Philippe, les Charles, 12
Les Henri Pour eux tous, malgré Paris, Sens, Arles, 12
Les lis ne s'ouvraient point assez épanouis. 12
40 Notre splendeur sans vous garde un voile funèbre. 12
C'était vous que, porté vers une onde célèbre, 12
Allait chercher le grand Louis : 8
Et notre République !… Ah ! son élan superbe, 12
Vous vous en souvenez ! De lauriers quelle gerbe ! 12
45 Comme nos trois couleurs allongeaient leur ruban ! 12
De l'Europe chez vous nous réformions la carte, 12
Et nous applaudissions Carnot et Bonaparte 12
Achevant l’œuvre de Vauban. 8
Vous vous en souvenez, du tout-puissant empire ! 12
50 A l'appel du grand nom le vétéran soupire. 12
L'aigle osa trop, rival du léopard jaloux 12
Il tomba. Si la chute expia les conquêtes, 12
Nous nous appartenons, quoi qu'on fasse : vous êtes 12
Vous à nous, comme nous à vous, 8
55 Qui pourrait le nier ? Et qui pourrait le croire 12
Que notre gloire, à nous, ne soit pas votre gloire, 12
Nos revers, vos revers, ombre au même tableau ? 12
Qu'en pays étranger nous devions, d'âge en âge, 12
Accomplir, fils pieux, notre pèlerinage 12
60 A Fleurus comme à Waterloo ? 8
Pour nous borner, à peine une pierre encor neuve. 12
Pour nous rassembler, tout, la barque sur le fleuve, 12
Le charbon sur le sol, le rail sur le chemin. 12
Les mots volent pareils de nos lèvres fidèles ; 12
65 Aux cieux notre génie étend les mêmes ailes, 12
Et nos arts se donnent la main. 8
Oui, vos mœurs sont nos mœurs ; vos âmes sont nos âmes. 12
L'on peut bien circonscrire, en des papiers infâmes, 12
De vains contours, bornés par de haineux dépits, 12
70 Et vouloir y parquer, comme un troupeau d'esclaves, 12
Quarante millions, braves entre les braves, 12
Dans la honte accroupis ! 6
Dieu, que nous adorons sous le nom de nature, 12
Dieu n'en a pas moins dit à la France future, 12
75 Lorsqu'il la modelait de son doigt souverain : 12
« Toi, je te donne l'Alpe à la neigeuse crête, 12
« Ces monts de feu, ce lac où rit l'azur en fête, 12
« Puis l'Océan, et puis le Rhin ! » 8
Et par Lui nous formons un seul peuple de frères. 12
80 Et malheur tôt ou tard, malheur aux téméraires 12
Qui défont ce lien, brisent l'éternité ! 12
L'arbre frappé, le tronc renouvelle sa sève, 12
Et le rameau tranché plus hautain se relève 12
A la cime qui l'a porté. 8
85 Tant que nous n'aurons pas uni notre fortune, 12
Tant que nous l'envîra quelque crainte importune, 12
L'on aura beau chanter le règne de l'écu, 12
Boire, et rire, et doubler le poids qui nous écrase, 12
Tout accord chancelant croulera par la base, 12
90 Car le droit n'aura pas vaincu. 8
Le droit ! La France en est le champion sans reproche. 12
Chacun travaille, et tient ou l'épée ou la pioche. 12
Aux uns de commencer, aux autres de finir. 12
Mais il nous faut à tous la pensée et l'espace 12
95 Si l'on veut que, laissant une féconde trace, 12
Le présent sème l'avenir. 8
Il est beau, j'en conviens, dans une juste enceinte 12
De renfermer, vaillants, son foyer, sa loi sainte, 12
Et, de ses citoyens pour fonder l'union, 12
100 D'appeler avec l'ordre, en ce trouble où nous sommes, 12
La liberté qui seule aux peuples comme aux hommes 12
Prête la force du lion. 8
Il est beau d'être grands sur une terre étroite. 12
Le sol est assez vaste à qui la tête est droite. 12
105 Athènes fut petite, et Rome en sa vertu. 12
Il coûte de quitter ce faîte, humble et sublime. 12
Avec un cœur loyal un esprit magnanime 12
Peut avoir longtemps combattu. 8
Mais enfin elle est là, notre commune mère, 12
110 La France, du passé montrant la plaie amère, 12
La France de Clovis et de Napoléon 12
Et voilà qu'elle parle, et qu'elle vous demande : 12
« Ai-je trop peu saigné ? suis-je, moi, trop peu grande 12
« Pour que vous repreniez mon nom ? 8
115 « Craignez-vous qu'aux hasards un nouveau capitaine 12
« Vous livre en poursuivant la victoire incertaine ? 12
« Les temps sont arrivés de bien autres exploits. 12
« Heureuse ambition, la seule qui me tente, 12
« De consommer par vous l'universelle entente ! » 12
120 Ainsi monte sa noble voix. 8
Et plus d'un parmi vous, j'en crois la Renommée, 12
A ce verbe, à l'odeur de la poudre enflammée, 12
En lui-même a frémi d'un émoi grave et doux. 12
Vos belliqueux essaims dans la ruche palpitent ; 12
125 Comme nos bords grondants vos rivages s'agitent ; 12
L'écho répète : « Unissons-nous ! » 8
Vous avez su donner un beau spectacle au monde. 12
A notre appel, bientôt, que votre élan réponde, 12
Et vous en donnerez un plus beau, s'il se peut. 12
130 L'unanime concert de vos libres suffrages 12
Ne suscitera point de rancuneux ombrages : 12
Ce qu'un peuple veut, Dieu le veut. 8
Votre prince, en marchant, de respect s'environne. 12
Il aura notre amour, la plus belle couronne ; 12
135 Pour garde, la plus sûre, il aura notre foi. 12
Hôte cher à nos cœurs reconnaissants, qu'il vienne ! 12
Sa majesté chez nous grandira citoyenne ; 12
Nous ferons de lui plus qu'un roi ! 8
Que d'acclamations l'attendent au passage ! 12
140 Guerriers au teint bruni, femmes au blanc corsage 12
En leurs vivats sans fin mêleront joie et pleurs. 12
Jamais on n'aura vu mieux rayonner les têtes, 12
De plus bruyantes mains éclater les tempêtes, 12
Pleuvoir aux balcons plus de fleurs ! 8
145 Son nom, jusques aux cieux porté de bouche en bouche, 12
De l'Orient aux bords où le soleil se couche 12
Retentira, béni par nos derniers neveux. 12
Ils iront vénérer son immortelle cendre. 12
Ils diront : « Ce fut lui, glorieux, qui vint rendre 12
150 La patrie entière à nos vœux ! » 8
Ah ! laissez-vous tenter à ce rôle splendide. 12
De nos rangs avec lui comblez l'austère vide. 12
Relions à jamais Hasselt et Domremy. 12
Chef et soldats, joignez votre bannière aux nôtres. 12
155 Afin que du progrès triomphent les apôtres, 12
Volons ensemble à l'ennemi ! 8
J'entends le fier Sicambre, émergé du baptême, 13
Nous dire à tous ces mots où vibre l'anathème : 12
« Vous supportez encore un insolent bivouac ! 12
160 « Vous souffrez, divisés, que vos espoirs s'écroulent ! 12
« Que d'indignes sabots les chevaux prussiens foulent 12
« Le champ sacré de Tolbiac ! » 8
J'entends, lion d'airain, l'empereur Charlemagne, 12
Rugir, comme un tonnerre ébranler la montagne : 12
165 « Avez-vous donc perdu la trace de mes pas ? 12
« Ce casque, abri honteux qui sur mon front retombe, 12
« Dont l'outrageant épi déshonore ma tombe, 12
« Ne m'en délivrerez-vous pas ? » 8
Nous l'en délivrerons ! J'en atteste Jemmapes, 12
170 Et Spire, et Luxembourg, et ces rudes étapes 12
Telles qu'en fêtait Rome au mont Capitolin ! 12
J'en atteste les fronts brillants de l'auréole 12
Qu'y posèrent Lodi, Hochstædt après. Arcole, 12
Et Lunéville avant Berlin ! 8
175 Ayons un cœur, un cri, Belges et Gaulois : « France ! » 12
Du sol, trésor commun, hâtons la recouvrance ; 12
Et puisque, ayant trahi son effort ténébreux, 12
L'usurpateur appelle un châtiment sévère, 12
Au Rhin, d'un même orgueil et dans le même verre, 12
180 Allons boire un vin généreux ! 8
Mais à l'humanité cette heure est solennelle. 12
Du Satan meurtrier en vainqueurs coupons l'aile ; 12
et toi, sang des héros, qui ne taris jamais, 12
Puisqu'il faut une lutte, hélas ! à notre taille, 12
185 Du dernier flot, figé sur le champ de bataille, 12
Cimente l'éternelle paix. 8
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