Métrique en Ligne
ANG_1/ANG13
corpus Pamela Puntel
Albert ANGOT
NOS RUINES
1871
MACTE ANIMO
A MONSIEUR RENÉ G… DE C…
Ami, j’attends les chants de ta muse endormie. 12
« Nos malheurs m’ont donné lame de Jérémie : 12
« Je n’aurais, me dis-tu, pour chants que des sanglots : 12
« La foule a répandu le doute sur mes rêves, 12
5 « Ainsi que l’océan sur ses immenses grèves 12
« Répand l’écume de ses flots. 8
« Aujourd’hui, je ressemble à ces derniers prophètes, 12
« Criant au peuple juif : — »Des cendres sur vos têtes ! 12
« Malheur, trois fois malheur ! Écoutez Jéhova ! 12
10 « La ville du Seigneur, Jérusalem succombe ; 12
« Encore quelques jours, le temple croule et tombe. 12
« Malheur ! loin de nous Dieu s’en va.” 8
Mais ce sont là les chants que de toi je désire ; 12
Accours à l’unisson faire vibrer ta lyre 12
15 Avec mon luth plaintif, en ce siècle d’airain. 12
Oh ! ce serait bien beau de voir deux âmes fières, 12
Deux poëtes amis, marchant comme des frères, 12
Pleins de foi, la main dans la main. 8
Non, ce n’est point assez de me dire : — « Courage !— » 12
20 De t’écrier : — « Poëte au milieu de l’orage, 12
Tu chantes sur la mer, ainsi que l’alcyon.” 12
Tes encouragements sont des œuvres stériles. 12
Les bons doivent donner des exemples utiles : 12
L’exemple, c’est leur mission. 8
25 Moïse n’eût donc point été pour toi coupable, 12
S’il avait déposé le fardeau redoutable 12
De rédiger sa loi sous les yeux du Seigneur ; 12
S’il n’avait point broyé, le front plein de colères, 12
Tout rayonnant encore des divines lumières, 13
30 Le veau d’or sous son pied vainqueur ? 8
Ami, tu dois des chants à ce temps d’anathême ; 12
Car ce n’est point en vain que le Seigneur lui-même 12
D’un sacerdoce auguste a revêtu ton front. 12
Malheur à toi, malheur ! si tu manques d’audace, 12
35 Si ton corps se refuse à porter la cuirasse, 12
Pour lutter contre le dragon. 8
Ce monstre, ce dragon, c’est le vice aux cent faces, 12
Qu’il soit rempli de fange ou parfumé de grâces, 12
Quel se nomme impudeur ou bien impiété ; 12
40 C’est cet esprit funeste aux ailes de harpie, 12
Qui de son ombre vient voiler le front impie, 12
Et troubler la société. 8
Oui, le vice a tout fait pour que Dieu nous abhorre. 12
Paris dans son orgie a dépassé Gomorrhe ; 12
45 Nous aussi, nous portions le bandeau de l’erreur. 12
Aujourd’hui l’étranger et les guerres civiles 12
Punissent durement et nos champs et nos villes. 12
Redoutons la main du Seigneur. 8
Mais quand la trahison et les haines funestes 12
50 Des pouvoirs écrasés se disputent les restes ; 12
Quand l’émeute en haillons, terreur des innocents, 12
De même qu’une folle à l’hospice échappée, 12
Parcourt les carrefours, brandissant une épée 12
Dont elle blesse les passants ; 8
55 C’est l’instant, ô Réné, c’est l’instant pour la lyre 12
De calmer les transports de l’émeute en délire ; 12
Les accents de David calmaient ainsi son roi ; 12
C’est l’instant de montrer un peu d’indépendance, 12
De laisser entrevoir au loin la Providence, 12
60 L’instant de sonner le beffroi. 8
logo du CRISCO logo de l'université