Métrique en Ligne
AIC_2/AIC9
Jean AICARD
Les Jeunes Croyances
Le Rachat de la Tour
1867
I
VI
À TOI QUI VEUX MOURIR
Ôh ! ne t’envole pas, doux être, 8
Ma colombe aux plumes d’argent ! 8
Reste : ici-bas tu fais connaître 8
La joie à mon cœur indigent ! 8
5 Ne quitte pas, ma tourterelle, 8
L’arbre où nous vivons tous les deux, 8
Car moi je ne pourrais sans aile 8
Suivre ton élan hasardeux. 8
Je sais bien que la mort est douce 8
10 Quand on a contemplé souvent, 8
Vide, le petit lit de mousse 8
Qu’en vain berce et berce le vent ! 8
Je sais bien qu’il est monotone 8
De chanter la même chanson, 8
15 De voir l’hiver après l’automne, 8
La saison après la saison ! 8
Je sais bien que ta vie est noire, 8
Que ton fardeau devient trop lourd, 8
Et qu’il est de ton droit de croire 8
20 Que tout est dur, même l’amour ! 8
Oui, ma charmante petite âme, 8
C’est trop souffrir, et trop longtemps ; 8
C’est trop vivre pour une femme : 8
Les fleurs ne vivent qu’un printemps ! 8
25 Va, je sais ta souffrance intime, 8
Jeune femme au cœur soucieux… 8
Quand tu pleures, humble et sublime, 8
Tes larmes roulent dans mes yeux. 8
Mais, vois-tu, j’ai ma tâche morne ; 8
30 J’ai mon sillon dur à tracer 8
Dans cette plaine dont la borne 8
Doit tôt ou tard se dépasser. 8
Moi, vois-tu, j’ai ma gerbe à faire ; 8
J’ai mes souffrances à souffrir ; 8
35 J’arrive à peine sur la terre : 8
Je dois vivre avant de mourir ! 8
Et, tout seul, j’ai peur et je tremble ; 8
Oh ! va, mêle ton cœur au mien ; 8
Ne meurs pas, et vivons ensemble 8
40 Si tu veux que je vive bien ! 8
Je le sais, je devrais te dire : 8
« Laisse-moi, mon enfant, adieu ! 8
Assez de pleurs ; il faut sourire, 8
Et ton sourire est fait pour Dieu ! » 8
45 Mais, enfin ! c’est bien difficile 8
De briser un amour constant, 8
Et seul, misérable, débile, 8
De crier au bonheur : « Va-t’en ! » 8
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