Métrique en Ligne
AIC_2/AIC4
Jean AICARD
Les Jeunes Croyances
Le Rachat de la Tour
1867
I
I
VERE NOVO
Je ne sais pas pourquoi je me crois au printemps ; 12
J’ai l’esprit travaillé d’un mystérieux rêve : 12
Je me vois au milieu des arbres, et j’entends 12
Dans les bourgeons courir le frisson de la sève. 12
5 J’ai le cœur et les yeux tout gonflés par les pleurs. 12
Au fond de moi je sens un frémissement d’aile !… 12
Comme il doit faire bon marcher parmi les fleurs ! 12
Sur chaque tige humide éclôt une étincelle. 12
L’oiseau chante l’amour… Connaissez-vous les nids 12
10 Et les insectes verts dans un creux de vieux saule ? 12
Ô charmant souvenir ! quand nous étions petits, 12
Nous nous grimpions, pour voir, l’un l’autre sur l’épaule. 12
J’ai d’étranges désirs… ainsi qu’en ont les fous ! 12
À présent, je voudrais m’élancer dans l’espace ! 12
15 Et je songe à la fois que ce doit être doux 12
De suivre par les blés une fille qui passe. 12
Un jour, ils étaient deux qui s’en allaient ainsi : 12
Je les vis, ces heureux, causer sous l’aubépine ; 12
Deux oiseaux, étonnés, près d’eux chantaient aussi… 12
20 Peut-être ils sont encor dans la même ravine ! 12
Large effluve d’amour, une immense chanson 12
Palpite dans les airs au temps des feuilles vertes ; 12
Un souffle d’inconnu ranime le buisson 12
Et la blanche façade aux fenêtres ouvertes. 12
25 Non loin des amoureux, dans les gazons épais, 12
Comme la ruche à miel bourdonne une famille. 12
Les garçons querelleurs font la guerre et la paix ; 12
La mère gravement parle à sa brune fille. 12
Le père, encor plus grave et les yeux vers l’azur, 12
30 Conte à son fils aîné les destins de l’histoire, 12
Et qu’il faut ici-bas, d’un cœur tranquille et sûr, 12
Combattre pour le droit, et jamais pour la gloire !… 12
Mais, vain rêveur, poëte, où t’en vas-tu si loin ? 12
Tu te livres entier au rêve qui t’emporte, 12
35 Pour revenir plus seul et plus triste en ton coin 12
Où les vents font trembler ta lampe à demi morte ! 12
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