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AIC_1/AIC1
Jean AICARD
Jeanne Darc
Le Rachat de la Tour
1866
LE MARTYRE
I
Par de cruels enfants une femme suivie 12
Se traînait. En ses yeux la mort avec la vie, 12
Hagardes, s’éteignaient, se rallumaient toujours. 12
Les enfants la heurtaient au choc de leurs batailles ; 12
5 Elle, pour se venger, déchirait ses entrailles, 12
Folle, qui s’arrachait à son propre secours. 12
Or, la France a jadis souffert cette souffrance ; 12
L’Anglais la dépeçait longuement. Pauvre France ! 12
Elle-même mordait ses bras, crevait son sein, 12
10 Et tandis que, tombée, elle rendait son râle, 12
Le roi dansait au bruit d’une chanson banale, 12
Froid complice de l’assassin. 8
Et parmi les enfants de la mère-patrie 12
Pas un qui se levât, fier, et l’âme attendrie, 12
15 Chassant le léopard vil qui la dévorait. 12
Sentant plus de pitié que ses frères dans l’âme, 12
Ne voyant que des cœurs efféminés, la femme 12
Se fait homme — et soudain Jeanne Darc apparaît. 12
Vous la connaissez tous, cette figure étrange, 12
20 Cette vierge domptant les vieux guerriers, — cet ange, 12
Qui, l’auréole au front, traverse, tout-puissant, 12
Les livides lueurs de l’orage des armes, 12
Et, faible enfant, parfois se prend à fondre en larmes 12
Devant tant d’horreur et de sang ! 8
25 De la France vaincue elle est le bon génie, 12
Et quand, vainqueur lassé dont la tâche est finie, 12
Elle voudrait revoir sa chaumière et ses bois, 12
On la jette aux bourreaux en repoussant sa mère !… 12
Oh ! tandis qu’on la brûle aux longs cris de : sorcière ! 12
30 Grand Dieu, que faites-vous ? et toi, peuple ? et vous, rois ? 12
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