Métrique en Ligne
VER_7/VER278
Paul VERLAINE
AMOUR
1888
IL PARLE ENCORE
NI pardon ni répit, dit le monde, 9
Plus de place au sénat du loisir ! 9
On rend grâce et justice au désir 9
Qui te prend d’une paix si profonde, 9
5 Et l’on eût fait trêve avec plaisir, 9
Mais la guerre est jalouse : il faut vivre 9
Ou mourir du combat qui t’enivre. 9
Aussi bien tes vœux sont absolus 9
Quand notre art est un mol équilibre. 9
10 Nous donnons un sens large au mot : libre, 9
Et ton sens va : Vite ou jamais plus. 9
Ta prière est un ordre qui vibre ; 9
Alors nous, indolents conseilleurs, 9
Que te dire, excepté : Cherche ailleurs ? 9
15 Et je vois l’Orgueil et la Luxure 9
Parmi la réponse : tel un cor 9
Dans l’éclat fané d’un vil décor, 9
Prêtant sa rage à la flûte impure. 9
Quel décor connu mais triste encor ! 9
20 C’est la ville où se caille et se lie 9
Ce passé qu’on boit ,jusqu’a la lie, 9
C’est Paris banal, maussade et blanc, 9
Qui chantonne une ariette vieille 9
En cuvant sa « noce » de la veille 9
25 Comme un invalide sur un banc. 9
La Luxure me dit à l’oreille : 9
Bonhomme, on vous a déjà donné. 9
Et l’Orgueil se tait comme un damné. 9
O Jésus, vous voyez que la porte 9
30 Est fermée.au Devoir qui frappait, 9
Et que l’on s’écarte à mon aspect. 9
Je n’ai plus qu’à prier pour la morte. 9
Mais l’agneau, bénissez qui le paît ! 9
Que le thym soit doux à sa bouchette ! 9
35 Que le loup respecte la houlette ! 9
Et puis, bon pasteur, paissez mon cœur : 9
Il est seul désormais sur la terre, 9
Et l’horreur de rester solitaire 9
Le distrait en l’étrange langueur 9
40 D’un espoir qui ne veut pas se taire, 9
Et l’appelle aux prés qu’il ne faut pas. 9
Donnez-lui de n’aller qu’en vos pas. 9
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