Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
NER_3/NER19
Gérard de NERVAL
ÉLÉGIES NATIONALES ET SATIRES POLITIQUES
1826
ÉLÉGIES NATIONALES
La Victoire
I
Au sein des vastes mers, | un aride rivage, 6+6 a
Contre qui vient mugir | la colère des flots, 6+6 b
Se hérisse de rocs, | effroi des matelots,… 6+6 b
Du Corse belliqueux | c’est le réduit sauvage : 6+6 a
5 Là naguères le Sort, | allumant un flambeau, 6+6 a
Du bord presque ignoré | consacra la mémoire ; 6+6 b
C’est là qu’un jour on vit la gloire 8 b
Apparaître auprès d’un berceau. 8 a
C’était un jeune enfant : | d’une illustre naissance 6+6 a
10 Rien à l’entour de lui | n’annonçait l’opulence ; 6+6 a
Il sommeillait tranquille, | et l’arrêt du Destin 6+6 a
N’avait point déposé | dans sa tremblante main 6+6 a
Le facile pouvoir | d’un sceptre héréditaire ; 6+6 a
Rien qui d’un roi naissant | annonçât la splendeur. 6+6 b
15 N’environnait sa couche, | où veillait une mère… 6+6 a
Rien !… L’avenir tout seul | contenait sa grandeur ! 6+6 b
La déesse, aux regards | de la mère étonnée, 6+6 a
Déroula de son fils | toute la destinée, 6+6 a
Et parmi des brouillards obscurs, 8 a
20 Lui montra sur d’autres rivages 8 b
Des fêtes, des combats, | vaporeuses images, 6+6 b
Qui dévoilaient les temps futurs : 8 a
Ses avides regards | étaient fixés encore, 6+6 a
Quand le divin tableau | tout à coup s’évapore ; 6+6 a
25 Puis un funèbre son | retentit à l’entour… 6+6 a
Elle écoute… ; ses yeux | se remplissent de larmes ; — 6+6 b
C’était le bruit d’un salut d’armes, 8 b
Et le roulement du tambour ! 8 a
II
Qu’il fut doux, le premier sourire 8 a
30 De la tardive liberté ! 8 b
L’homme accueillit avec délire 8 a
Sa naissante divinité : 8 b
Alors, dans le transport | d’une joie unanime, 6+6 a
Aux rayons d’un nouveau soleil, 8 b
35 La France s’éveilla, | comme d’un long sommeil : 6+6 b
Ce fut un rêve encor… | mais il était sublime ! 6+6 a
Que ce moment fut beau ! | Que du peuple français 6+6 a
L’espérance fut noble et fière ! 8 b
Qu’il fut prompt à saisir | cette pure lumière, 6+6 b
40 Qui de ses yeux bientôt | disparut pour jamais ! — 6+6 a
Alors, on vit surgir | un plus sombre génie ; 6+6 a
Alors, on entendit | tout un peuple en courroux 6+6 b
Crier : Mort à la tyrannie ! 8 a
Les grands ne semblent grands | qu’aux hommes à genoux ! 6+6 b
45 Levons-nous ! 3 b
La carrière des camps | s’ouvrit brillante encore ; 6+6 a
Sortant de leur obscurité, 8 b
D’héroïques talens | s’empressèrent d’éclore 6+6 a
A la voix de la liberté : 8 b
50 Mais, puissante au-dehors, | la patrie égarée 6+6 a
Par ses fils au-dedans | se sentait déchirée ; 6+6 a
Insigne révéré | d’une fausse grandeur, 6+6 a
Un trône à tous les yeux | étalait sa splendeur 6+6 a
Mais sous la pourpre impériale 8 a
55 Des chaînes à ses mains | imprimaient leur affront, 6+6 b
Et la couronne triomphale 8 a
Cachait les maux sanglans | qui dévoraient son front. 6+6 b
La licence usurpa la place 8 a
De la divine liberté ; 8 b
60 Émerveillés de sa beauté, 8 b
Les hommes marchaient sur sa trace… 8 a
Mais ses sourires séducteurs 8 a
Cachaient des pièges homicides, 8 b
Et ses embrassemens perfides 8 b
65 Étouffaient ses adorateurs ! 8 a
III
Un régime nouveau, | favorable à la France, 6+6 a
A ses fils désolés | ramena l’espérance, 6+6 a
Sans ramener la liberté : 8 a
Cependant d’un tyran | la tête abominable 6+6 b
70 Teignit aussi de sang | l’échafaud redoutable, 6+6 b
Que ses proscriptions | avaient alimenté ! 6+6 a
A peine revenu | de ces horreurs profondes, 6+6 a
Le vaisseau de l’état | voguait au gré des ondes, 6+6 a
Et, privé de pilote, | abaissant son orgueil, 6+6 a
75 Flottait de gouffre en gouffre | et d’écueil en écueil. 6+6 a
Un grand homme paraît : | il commande à l’orage, 6+6 a
Des passagers surpris | ranime le courage, 6+6 a
Et tous ceux qu’il arrache | aux destins irrités, 6+6 a
Pour prix de leur salut, | cèdent leurs libertés. 6+6 a
80 Brisant ces libertés, | qui n’étaient plus qu’un rêve, 6+6 a
Sur le sceptre conquis | il dépose son glaive ; 6+6 a
La France à lui s’enchaîne, | et grandit sous sa loi ; 6+6 a
Ainsi jadis, aux bords du Tibre, 8 b
Il fallait des Brutus | avec le peuple-libre, 6+6 b
85 Il fallut un César | avec le peuple-roi. 6+6 a
Mais César se croit Dieu, | car il voit qu’on l’adore ; 6+6 a
Au point le plus sublime, | il est trop bas encore ; 6+6 a
Il se trouve a l’étroit | dans ses vastes états. 6+6 a
Et, pour laisser régner | sa grandeur solitaire, 6+6 b
90 Il voudrait étreindre la terre,… 8 b
Dût-elle éclater dans ses bras. 8 a
Pour parvenir au but | où son orgueil aspire, 6+6 a
Pour couvrir l’attentat | fait à la liberté ; 6+6 b
Sur une autre divinité 8 b
95 Il concentre l’amour | des Français en délire : 6+6 a
Aux sons du clairon belliqueux, 8 a
Ils accoudent sous ses bannières ; 8 b
Partout ils vont audacieux 8 a
Briguer ses faveurs meurtrières : 8 b
100 Car pour prix d’un noble trépas 8 a
Elle leur offre de la gloire. 8 b
C’est Bellone ! c’est la Victoire ; 8 b
C’est la déesse des combats ! 8 a
IV
La voyez-vous sans cesse, | animant leurs cohortes, 6+6 a
105 Avec ses ailes d’or, | sur leurs pas s’élancer, 6+6 b
Des cités leur ouvrir les portes, 8 a
Et, comme la terreur, | souvent les devancer ; 6+6 b
A leurs regards charmés, | oh ! qu’elle est douce et belle ! 6+6 a
Elle a des prix pour leurs exploits ; 8 b
110 La flamme en ses yeux étincelle, 8 a
Et ses yeux dévorent les rois ! 8 b
Napoléon, dont le courage 8 a
Sut la fixer à ses drapeaux, 8 b
Victorieux sur un rivage, 8 a
115 Vole à des rivages nouveaux ; 8 b
Image du dieu de la guerre, 8 a
Sa force et son ardeur | grandissent sous les yeux ; 6+6 b
Il marche, et tout s’enfuit : | son pied frappe la terre 6+6 a
Qui vomit des guerriers | sous ses pas belliqueux ; 6+6 b
120 C’est son œil qui lance la foudre, 8 a
Son bras qui fait briller l’acier, 8 b
Et son aigle arrache à la poudre 8 a
Le rameau sanglant du laurier ! 8 b
Oh ! qui pourra chanter | ses conquêtes rapides ? 6+6 a
125 Qui pourra consacrer | des accords assez beaux 6+6 b
A ses actions intrépides, 8 a
À ses exploits toujours nouveaux ? — 8 b
Où sont ces ennemis, | qui, vainqueurs en idée, 6+6 c
Se partageaient la France | en espoir dégradée… 6+6 c
130 Demandez-en les noms | à la nuit des tombeaux ! 6+6 b
V
Les Alpes… ne sont plus ! | L’Italie… est vaincue ! 6+6 a
Le Brennus colossal | est dans Rome abattue ! 6+6 a
La balance d’airain, | qu’un glaive a fait baisser, 6+6 a
Reçoit l’or, qu’en son sein | versent des mains dociles, 6+6 b
135 Car elle n’a plus de Camilles 8 b
Assez forts pour la renverser. 8 a
L’Égypte ! c’est l’Égypte ! | — Et des bras intrépides 6+6 a
Ont conquis ces climats brûlans, 8 b
Et le sang des fiers Musulmans, 8 b
140 Engraisse les sables arides : 8 a
De nos soldats vainqueurs | les déserts sont peuplés… 6+6 c
Quarante siècles assemblés ! 8 c
Les contemplent des Pyramides ! 8 a
Que dirai-je de plus ? |… Tout a subi nos lois !… 6+6 a
145 Les discordes partout | languissent étouffées ; 6+6 b
Nos guerriers ont bravé | les chaleurs et les froids, 6+6 a
Partout ils ont jeté | de superbes trophées, 6+6 b
Et l’avenir s’effraie | en comptant leurs exploits. 6+6 a
VI
Comme au soleil couchant | cette ville étincelle ! 6+6 a
150 De ses grands monumens | que la structure est belle ! 6+6 a
L’or fait briller au loin | les toits de ses palais… — 6+6 a
C’est Moscou ! c’est Moscou ! |-France, encor de la gloire ! 6+6 b
C’est le plus beau de tes succès ! 8 a
C’est Moscou ! quelle page | attachée à l’histoire ! 6+6 b
155 Que d’immortalité | dans ce cri de victoire ! 6+6 b
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