Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
MND_1/MND2
Louis MÉNARD
Poëmes
1855
CHANSONS ALLEMANDES
I
Petite Christel, | dirent les colombes, 5+5 a
D'où vient ce matin | le deuil où tu tombes, 5+5 a
Quand l'été sourit | à la plaine en fleur ? 5+5 a
— Oui, l'été sourit | et les fleurs sont belles ; 5+5 b
5 Mais j'ai, tourterelles, 5 b
L'hiver dans mon cœur. 5 a
Petite Christel, | dirent ses amies, 5+5 a
Tes peines seraient | bien vite endormies 5+5 a
Avec des chansons : | pourquoi soupirer ? 5+5 a
10 Il me faut un cloître | et de lourdes grilles. 5+5 b
Chantez, jeunes filles, 5 b
Moi je veux pleurer. 5 a
Petite Christel, | tu sais que je t'aime, 5+5 a
Dit le jeune roi : | prends mon diadème, 5+5 a
15 Sois ma reine, et plus | de pleurs entre nous. 5+5 a
— Hélas ! dit Christel, | dont le front se penche, 5+5 b
Ma couronne blanche, 5 b
Me la rendrez-vous ? 5 a
II
Verte est la bruyère | où Lise la belle 5+5 a
20 Regarde en souriant | son bien-aimé près d'elle ; 6+6 a
Son petit enfant | l'embrasse et la suit. 5+5 a
Mais la terre est si froide | à l'heure de minuit ! 6+6 a
La mort pâle vient : | Lise, blonde et rose, 5+5 a
Dans le cercueil étroit, | les mains jointes, repose ; 6+6 a
25 Son époux en deuil | pleure et la conduit. 5+5 a
Mais la terre est si froide | à l'heure de minuit ! 6+6 a
Pâle, il la conduit | au froid cimetière. 5+5 a
Là des prêtres en noir | disent une prière, 6+6 a
La terre la couvre ; | on s'en va sans bruit. 5+5 a
30 Mais la terre est si froide | à l'heure de minuit ! 6+6 a
Elle entend de loin | son enfant qui pleure : 5+5 a
Elle demande à Dieu | de lui prêter une heure 6+6 a
Pour aller encor | veiller près de lui. 5+5 a
Mais la terre est si froide | à l'heure de minuit ! 6+6 a
35 Elle pria tant, | que la Vierge sainte 5+5 a
Alla porter à Dieu | sa prière et sa plainte : 6+6 a
Le Seigneur lui donne | une heure de nuit. 5+5 a
Mais la terre est si froide | à l'heure de minuit ! 6+6 a
Lise du cercueil | écarte une planche, 5+5 a
40 Et parmi les tombeaux | se lève froide et blanche. 6+6 a
La nuit est humide | et la lune luit. 5+5 a
Mais la terre est si froide | à l'heure de minuit ! 6+6 a
Que veut cette femme ? | Elle ouvre la porte… 5+5 a
Mon Dieu, comme elle est pale ! | on dirait une morte. 6+6 a
45 Elle entre : le chien | la lèche et la suit. 5+5 a
Mais la terre est si froide | à l'heure de minuit ! 6+6 a
Viens, mou bien-aimé, | c'est moi qui l'appelle ! 5+5 a
— Non, celle que je pleure, | elle était rose et belle. 6+6 a
— Oh ! je n'ai qu'une heure, | et le temps s'enfuit ! 5+5 a
50 Mais la terre est si froide | à l'heure de minuit ! 6+6 a
Mon petit enfant, | viens, voici ta mère. 5+5 a
— Non, ma mère était belle ; | elle dort sous la terre. 6+6 a
Et l'enfant tremblant | la repousse et fuit. 5+5 a
Mais la terre est si froide | à l'heure de minuit ! 6+6 a
55 Triste, elle s'en va | sans attendre l'heure ; 5+5 a
Elle ne revint plus | visiter sa demeure. 6+6 a
Hélas ! rien ne rend | le bonheur détruit. 5+5 a
Mais la terre est si froide | à l'heure de minuit ! 6+6 a
III
Sous l'azur profond | des nuits constellées, 5+5 a
60 En longs voiles blancs, | couronnant nos fronts 5+5 b
Du nénufar d'or | aux fleurs emperlées, 5+5 a
Parmi les joncs verts, | au fond des vallées. 5+5 a
Nous nous égarons. 5 b
Pour avoir passé | jadis sur la terre 5+5 a
65 Sans vouloir ouvrir | nos cœurs à l'amour, 5+5 b
Nous ne pouvons plus | vivre à la lumière ; 5+5 a
Nos ailes fondraient | en vapeur légère 5+5 a
Aux rayons du jour. 5 b
Le jour, nous volons, | troupe virginale, 5+5 a
70 Aux champs de la lune, | éclatants de lis, 5+5 b
Où, semant leurs lits | de nacre et d'opale, 5+5 a
Les ruisseaux d'argent | teignent leur flot pale 5+5 a
Des reflets d'Iris. 5 b
Et puis, quand vient l'heure | où le ciel se dore, 5+5 a
75 L'heure des baisers, | sur un rayon blanc 5+5 b
Nous laissons glisser | notre aile sonore, 5+5 a
Et nous nous baignons | dans l'air tiède encore 5+5 a
Sur le lac tremblant. 5 b
Nous chassons du lit | des vierges candides 5+5 a
80 Les songes d'amour, | enfants de minuit, 5+5 b
Qui font palpiter | nos cœurs de sylphides, 5+5 a
Et nous remplissons | de rêves limpides 5+5 a
L'unie de la nuit. 5 b
L'alouette chante, | et l'aurore efface 5+5 a
85 Les étoiles d'or | sous son doigt vermeil ; 5+5 b
La voix du matin | comme elles nous chasse : 5+5 a
Ce soir, nous viendrons | pour baiser la trace 5+5 a
Des pas du soleil. 5 b
IV
Tous deux, à travers | la forêt profonde, 5+5 a
90 Ils passaient, passaient ; | et la lune blonde 5+5 a
Baisait leurs fronts purs | dans l'air argenté. 5+5 b
Lui disait tout bas : | Oublions le monde ! 5+5 a
A toi mon amour, | à moi ta beauté. 5+5 b
Elle répondait : | Pour l'éternité. 5+5 b
95 Sans désirs, pendant | la nuit dangereuse, 5+5 a
Ils marchaient si seuls | dans l'allée ombreuse, 5+5 a
Vierges, l'un de l'autre | écoutant la voix, 5+5 b
Et puis regardant | la lune onduleuse, 5+5 a
La lune onduleuse | et les fleurs des bois. 5+5 b
100 Oh ! vivre un seul jour | des jours d'autrefois ! 5+5 b
Ils voguaient, voguaient | sur les eaux discrètes 5+5 a
Qui germent au fond | des grottes secrètes. 5+5 a
Elle dit, ouvrant | ses lèvres de miel : 5+5 b
L'azur sous nos pieds, | l'azur sur nos têtes, 5+5 a
105 La nuit recueillant | l'hymne universel, 5+5 b
Et toi près de moi, | n'est-ce pas le ciel ? 5+5 b
Magique parfum | des fleurs éphémères, 5+5 a
Magnétique attrait | des coupes amères, 5+5 a
Poison du désir, | chants fascinateurs, 5+5 b
110 Quels baisers valaient | ces baisers de frères, 5+5 a
Sur le ruisseau bleu, | plein de bruits rêveurs, 5+5 b
Miroir diaphane | où tombaient leurs pleurs ? 5+5 b
Tristes de bonheur, | leurs âmes trop pleines 5+5 a
Aspiraient l'écho | des lyres lointaines, 5+5 a
115 Et, l'un dans les bras | de l'autre enlacés, 5+5 b
Ils laissaient couler | les heures sereines. 5+5 a
Quels rêves si doux | ne sont effacés 5+5 b
Par le souvenir | des amours passés ? 5+5 b
V
J'ai cru qu'on m'enfermait | au couvent : c'est un rêve ! 6+6 a
120 Je suis morte, il est mort | aussi : je bénis Dieu ! 6+6 b
Là-bas, sur la tombe | une ombre se lève : 5+5 a
Viens, mon bien-aimé, | viens me dire adieu. 5+5 b
— J'ai cru qu'on m'enchaînait | dans la tour, sur la pierre, 6+6 a
Seul, loin d'elle et du jour ; | mais non, ce cachot noir, 6+6 b
125 C'était mon tombeau | dans le cimetière. 5+5 a
Que Dieu soit béni, | je vais la revoir ! 5+5 b
— C'est toi ! Je savais bien | que tu m'aurais suivie, 6+6 a
Tu me l'avais promis. | Cette félicité 6+6 b
Qu'on nous refusait | pendant notre vie, 5+5 a
130 La mort nous la rend | pour l'éternité. 5+5 b
— Je rêvais de prison, | et toi de monastère : 6+6 a
Un baiser ! oublions | et mon rêve et le tien. 6+6 b
Dieu, qui sépara | nos cœurs sur la terre, 5+5 a
Les unit au ciel : | je le savais bien ! 5+5 b
135 — Écoute ! un son de cloche | a retenti : c'est l'heure 6+6 a
Du dernier jugement | pour tous les trépassés ; 6+6 b
Faut-il nous quitter | sitôt ? — Non, demeure : 5+5 a
Qu'importe le ciel ? | restons embrassés ! 5+5 b
La cloche du matin | sonne pour la prière ; 6+6 a
140 À travers les barreaux | glisse un rayon du jour. 6+6 b
Tous deux à la fois | ouvrent leur paupière, 5+5 a
Elle en sa cellule, | et lui dans la tour. 5+5 b
mètre profils métriques : 5, 5+5, 6+6
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