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LEG_1/LEG48
Charles LE GOFFIC
Poésies complètes
1889-1914
LE BOIS DORMANT
PETITS POÈMES
MARIVÔNE
À Gabriel Vicaire.
I
C’est Marivône Le Guînver, 8 a
Avec ses coiffes de batiste, 8 b
C’est Marivône Le Guînver 8 a
Qui passe sa vie à rêver. 8 a
5 Marivônic, Dieu vous assiste 8 b
Dans l’avenir et le présent ! 8 a
Marivônic, Dieu vous assiste 8 b
Votre regard paraît si triste ! 8 b
Marivônic s’en va disant 8 a
10 Aux bateliers de la prairie, 8 a
Marivônic s’en va disant : 8 b
« N’est-ce pas l’heure du jusant ? 8 b
« Et n’a-t-on pas vu, je vous prie, 8 a
Dans le chenal de Kerenor, 8 a
15 Et n’a-t-on pas vu, je vous prie, 8 b
Le vaisseau de sa seigneurie, 8 b
« Le beau vaisseau d’ivoire et d’or, 8 a
Avec des mâts en palissandre, 8 a
Le beau vaisseau d’ivoire et d’or 8 b
20 De monseigneur Hadanic-Vor ? » 8 b
II
Hélas ! le soir tombe et mêle sa cendre 5+5 a
Aux brouillards légers qui montent des eaux, 5+5 c
Et les bateliers n’ont rien vu descendre 5+5 a
Sur le chenal bleu bordé de roseaux. 5+5 c
25 Mais Marivônic espère quand même. 5+5 a
En vain le temps passe, elle attend toujours, 5+5 b
Et, pour faire honneur à celui qu’elle aime 5+5 a
On ne la voit plus qu’en riches atours. 5+5 b
Regardez ! Sa coiffe est toute en batiste. 5+5 a
30 Ah ! qu’elle est jolie avec son justin 5+5 b
Où de fins galons, couleur d’améthyste, 5+5 a
Courent sur la laine et sur le satin !… 5+5 b
Et l’année ainsi va chassant l’année. 5+5 a
Marivône est vieille et marche à pas lents, 5+5 b
35 Et rien n’a chan dans sa destie, 5+5 a
Sinon qu’aujourd’hui ses cheveux sont blancs. 5+5 b
III
Et la voilà vieille, vieille, 7 a
Au point qu’elle n’a, dit-on, 7 b
Sa pareille 3 a
40 Dans aucun bourg du canton. 7 b
Ses beaux yeux n’ont plus de flamme ; 7 a
Elle tremble au moindre vent ; 7 b
Mais son âme 3 a
Est aussi jeune qu’avant, 7 b
45 Et sous son hoqueton jaune, 7 a
Malgré l’âge et le besoin, 7 b
Marivône 3 a
Est toujours mise avec soin. 7 b
Songez donc, si tout à l’heure 7 a
50 L’impatient jouvenceau 7 b
Qu’elle pleure 3 a
Débarquait de son vaisseau 7 b
Et s’en venait d’un air tendre, 7 a
Avec deux ménétriers. 7 b
55 Pour lui tendre 3 a
L’anneau blanc des mariés ! 7 b
IV
Or, un jour de printemps que la brise était douce, 6+6 a
Le beau vaisseau parut au détour du chenal, 6+6 b
Le jusant vers la mer l’entrnait sans secousse 6+6 a
60 Et ses hunes baignaient dans le vent matinal. 6+6 b
Mais à mesure aussi qu’il approchait des berges 6+6 a
On voyait que ses mâts étaient tendus de deuil. 6+6 b
Ses sabords restaient clos et quatre rangs de cierges 6+6 a
Flambaient sur le tilîac autour d’un grand cercueil. 6+6 b
65 Et dans ce grand cercueil, large assez pour deux places, 6+6 a
Sur des coussins d’argent, de perle et de velours, 6+6 b
Pâle comme les lys tombés de ses mains lasses, 6+6 a
Le prince Hadanic-Vor reposait pour toujours. 6+6 b
Marivône en silence attendait sur la grève, 6+6 a
70 Ses yeux gris avivés d’on ne sait quel éclat, 6+6 b
Car elle discernait maintenant qu’aucun rêve 6+6 a
N’a d’accomplissement sinon dans l’Au-Delà. 6+6 b
Elle portait toujours son vieux hoqueton jaune 6+6 a
Et, quand le noir vaisseau l’eut prise sur son bord, 6+6 b
75 A pas menus, les paumes jointes, Marivône 6−6 a
Alla s’agenouiller devant le prince mort. 6+6 b
Elle pria longtemps en fervente chrétienne, 6+6 a
Puis, disposant la couche où dormait son amant, 6+6 b
Elle étendit sa tête au chevet de la sienne, 6+6 a
80 Fit un signe de croix et mourut doucement. 6+6 b
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