Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAM_1/LAM23
Alphonse de LAMARTINE
MÉDITATIONS POÉTIQUES
PREMIÈRES MÉDITATIONS
1820
VINGT-TROISIÈME MÉDITATION
PHILOSOPHIE
AU MARQUIS DE LA MAISONFORT
Oh ! qui m’emporteravers les tièdes rivages 6+6 a
l’Arno, couronnéde ses pâles ombrages, 6+6 a
Aux murs de Médicisen sa course arrêté, 6+6 b
Réfléchit le palaispar un sage habité, 6+6 b
5 Et semble, au bruit flatteurde son onde plus lente, 6+6 a
Murmurer les grands nomsde Pétrarque et du Dante ? 6+6 a
Ou plutôt que ne puis-je,au doux tomber du jour, 6+6 b
Quand, le front soulagédu fardeau de la cour, 6+6 b
Tu vas sous tes bosquetschercher ton Égérie, 6+6 a
10 Suivre, en rêvant, tes pasde prairie en prairie, 6+6 a
Jusqu’au modeste toitpar tes mains embelli, 6+6 b
tu cours adorerle silence et l’oubli ! 6+6 b
J’adore aussi ces dieux :depuis que la sagesse 6+6 a
Aux rayons du malheura mûri ma jeunesse, 6+6 a
15 Pour nourrir ma raisondes seuls fruits immortels, 6+6 b
J’y cherche en soupirantl’ombre de leurs autels ; 6+6 b
Et s’il est au sommetde la verte colline, 6+6 a
S’il est sur le penchantdu coteau qui s’incline, 6+6 a
S’il est aux bords désertsdu torrent ignoré 6+6 b
20 Quelque rustique abri,de verdure entouré, 6+6 b
Dont le pampre arrondisur le seuil domestique 6+6 a
Dessine en serpentantle flexible portique ; 6+6 a
Semblable à la colombeerrante sur les eaux, 6+6 b
Qui, des cèdres d’Arardécouvrant les rameaux, 6+6 b
25 Vola sur leur sommetposer ses pieds de rose, 6+6 a
Soudain mon âme errantey vole et s’y repose. 6+6 a
Aussi, pendant qu’admisdans les conseils des rois, 6+6 b
Représentant d’un mtre,honoré par son choix, 6+6 b
Tu tiens un des grands filsde la trame du monde, 6+6 a
30 Moi, parmi les pasteurs,assis aux bords de l’onde, 6+6 a
Je suis d’un œil rêveurles barques sur les eaux, 6+6 b
J’écoute les soupirsdu vent dans les roseaux ; 6+6 b
Nonchalamment couchéprès du lit des fontaines, 6+6 a
Je suis l’ombre qui tourneautour du tronc des chênes, 6+6 a
35 Ou je grave un vain nomsur l’écorce des bois, 6+6 b
Ou je parle à l’échoqui répond à ma voix, 6+6 b
Ou, dans le vague azurcontemplant les nuages, 6+6 a
Je laisse errer comme euxmes flottantes images. 6+6 a
La nuit tombe, et le Temps,de son doigt redouté, 6+6 b
40 Me marque un jour de plusque je n’ai pas compté. 6+6 b
Quelquefois seulement,quand mon âme oppressée 6+6 a
Sent en rhythmes nombreuxdéborder ma pensée, 6+6 a
Au souffle inspirateurdu soir dans les déserts, 6+6 b
Ma lyre abandonnéeexhale encor des vers ! 6+6 b
45 J’aime à sentir ces fruitsd’une séve plus mûre 6+6 a
Tomber, sans qu’on les cueille,au gré de la nature, 6+6 a
Comme le sauvageonsecoué par les vents, 6+6 b
Sur les gazons flétris,de ses rameaux mouvants 6+6 b
Laisse tomber ses fruitsque la branche abandonne, 6+6 a
50 Et qui meurent au piedde l’arbre qui les donne. 6+6 a
Il fut un temps peut-être mes jours mieux remplis, 6+6 b
Par la gloire éclairés,par l’amour embellis, 6+6 b
Et fuyant loin de moisur des ailes rapides, 6+6 a
Dans la nuit du passéne tombaient pas si vides. 6+6 a
55 Aux douteuses clartésde l’humaine raison, 6+6 b
Égaré dans les cieuxsur les pas de Platon, 6+6 b
Par ma propre vertuje cherchais à conntre 6+6 a
Si l’âme est en effetun souffle du grand Être ; 6+6 a
Si ce rayon divin,dans l’argile enfermé, 6+6 b
60 Doit être par la mortéteint ou rallumé ; 6+6 b
S’il doit, après mille ansrevivre sur la terre ; 6+6 a
Ou si, changeant sept foisde destins et de sphère, 6+6 a
Et montant d’astre en astreà son centre divin, 6+6 b
D’un but qui fuit toujoursil s’approche sans fin ; 6+6 b
65 Si dans ces changementsnos souvenirs survivent ; 6+6 a
Si nos soins, nos amours,si nos vertus nous suivent ; 6+6 a
S’il est un juge assisaux portes des enfers, 6+6 b
Qui sépare à jamaisles justes des pervers ; 6+6 b
S’il est de saintes loisqui, du ciel émanées, 6+6 a
70 Des empires mortelsprolongent les années, 6+6 a
Jettent un frein au peupleindocile à leur voix, 6+6 b
Et placent l’équitésous la garde des rois ; 6+6 b
Ou si d’un dieu qui dortl’aveugle nonchalance 6+6 a
Laisse au gré du destintrébucher sa balance, 6+6 a
75 Et livre, en détournantses yeux indifférents, 6+6 b
La nature au hasardet la terre aux tyrans. 6+6 b
Mais, ainsi que des cieux, son vol se déploie, 6+6 a
L’aigle souvent trompéredescend sans sa proie, 6+6 a
Dans ces vastes hauteurs mon œil s’est porté 6+6 b
80 Je n’ai rien découvertque doute et vanité ; 6+6 b
Et, las d’errer sans findans des champs sans limite, 6+6 a
Au seul jour je vis,au seul bord que j’habite 6+6 a
J’ai borné désormaisma pensée et mes soins : 6+6 b
Pourvu qu’un dieu cachéfournisse à mes besoins ; 6+6 b
85 Pourvu que, dans les brasd’une épouse chérie, 6+6 a
Je gte obscurémentles doux fruits de ma vie ; 6+6 a
Que le rustique enclos,par mes pères planté, 6+6 b
Me donne un toit l’hiver,et de l’ombre l’été ; 6+6 b
Et que d’heureux enfantsma table couronnée 6+6 a
90 D’un convive de plusse peuple chaque année, 6+6 a
Ami, je n’irai plusravir si loin de moi, 6+6 b
Dans les secrets de Dieu,ces comment, ces pourquoi, 6+6 b
Ni du risible effortde mon faible génie 6+6 a
Aider péniblementla Sagesse infinie. 6+6 a
95 Vivre est assez pour nous ;un plus sage l’a dit : 6+6 b
Le soin de chaque jourà chaque jour suffit. 6+6 b
Humble, et du Saint des Saintsrespectant les mystères, 6+6 a
J’héritai l’innocenceet le Dieu de mes pères ; 6+6 a
En inclinant mon front,j’élève à lui mes bras ; 6+6 b
100 Car la terre l’adoreet ne le comprend pas : 6+6 b
Semblable à l’alcyon,que la mer dorme ou gronde, 6+6 a
Qui dans son nid flottants’endort en paix sur l’onde, 6+6 a
Me reposant sur Dieudu soin de me guider 6+6 b
À ce port invisible tout doit aborder, 6+6 b
105 Je laisse mon esprit,libre d’inquiétude, 6+6 a
D’un facile bonheurfaisant sa seule étude, 6+6 a
Et prêtant sans orgueilla voile à tous les vents, 6+6 b
Les yeux tournés vers lui,suivre le cours du temps. 6+6 b
Toi qui, longtemps battudes vents et de l’orage, 6+6 a
110 Jouissant aujourd’huide ce ciel sans nuage, 6+6 a
Du sein de ton reposcontemples du même œil 6+6 b
Nos revers sans dédain,nos erreurs sans orgueil ; 6+6 b
Dont la raison facile,et chaste sans rudesse, 6+6 a
Des sages de son tempsn’a pris que la sagesse, 6+6 a
115 Et qui reçus d’en hautce don mystérieux 6+6 b
De parler aux mortelsdans la langue des dieux ; 6+6 b
De ces bords enchanteurs ta voix me convie, 6+6 a
s’écoule à flots pursl’automne de ta vie, 6+6 a
les eaux et les fleurs,et l’ombre et l’amitié, 6+6 b
120 De tes jours nonchalantsusurpent la moitié, 6+6 b
Dans ces vers inégauxque ta muse entrelace, 6+6 a
Dis-nous, comme autrefoisnous l’aurait dit Horace, 6+6 a
Si l’homme doit combattreou suivre son destin ; 6+6 b
Si je me suis trompéde but ou de chemin ; 6+6 b
125 S’il est vers la sagesseune autre route à suivre, 6+6 a
Et si l’art d’être heureuxn’est pas tout l’art de vivre ? 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université