Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_17/HUG318
Victor HUGO
CHÂTIMENTS
1853
LIVRE II
L'ORDRE EST RÉTABLI
III
SOUVENIR DE LA NUIT DU 4
L'enfant avait reçu | deux balles dans la tête. 6+6 a
Le logis était propre, | humble, paisible, honnête ; 6+6 a
On voyait un rameau | bénit sur un portrait. 6+6 b
Une vieille grand-mère | était là qui pleurait. 6+6 b
5 Nous le déshabillions | en silence. Sa bouche, 6+6 a
Pâle, s'ouvrait ; la mort | noyait son œil farouche ; 6+6 a
Ses bras pendants semblaient | demander des appuis. 6+6 b
Il avait dans sa poche | une toupie en buis. 6+6 b
On pouvait mettre un doigt | dans les trous de ses plaies. 6+6 a
10 Avez-vous vu saigner | la mûre dans les haies ? 6+6 a
Son crâne était ouvert | comme un bois qui se fend. 6+6 b
L'aïeule regarda | déshabiller l'enfant, 6+6 b
Disant : « Comme il est blanc ! | approchez donc la lampe ! 6+6 a
Dieu ! ses pauvres cheveux | sont collés sur sa tempe ! » 6+6 a
15 Et quand ce fut fini, | le prit sur ses genoux. 6+6 b
La nuit était lugubre ; | on entendait des coups 6+6 b
De fusil dans la rue | où l'on en tuait d'autres. 6+6 a
Il faut ensevelir | l'enfant, dirent les nôtres. 6+6 a
Et l'on prit un drap blanc | dans l'armoire en noyer. 6+6 b
20 L'aïeule cependant | l'approchait du foyer, 6+6 b
Comme pour réchauffer | ses membres déjà roides. 6+6 a
Hélas ! ce que la mort | touche de ses mains froides 6+6 a
Ne se réchauffe plus | aux foyers d'ici-bas ! 6+6 b
Elle pencha la tête | et lui tira ses bas, 6+6 b
25 Et dans ses vieilles mains | prit les pieds du cadavre. 6+6 a
« Est-ce que ce n'est pas | une chose qui navre ! 6+6 a
Cria-t-elle ! monsieur, | il n'avait pas huit ans ! 6+6 b
Ses maîtres, il allait | en classe, étaient contents. 6+6 b
Monsieur, quand il fallait | que je fisse une lettre, 6+6 a
30 C'est lui qui l'écrivait. | Est-ce qu'on va se mettre 6+6 a
À tuer les enfants | maintenant ? Ah ! mon Dieu ! 6+6 b
On est donc des brigands ? | Je vous demande un peu, 6+6 b
Il jouait ce matin, | là, devant la fenêtre ! 6+6 a
Dire qu'ils m'ont tué | ce pauvre petit être ! 6+6 a
35 Il passait dans la rue, | ils ont tiré dessus. 6+6 b
Monsieur, il était bon | et doux comme un Jésus. 6+6 b
Moi je suis vieille, il est | tout simple que je parte ; 6+6 a
Cela n'aurait rien fait | à monsieur Bonaparte 6+6 a
De me tuer au lieu | de tuer mon enfant ! » 6+6 b
40 Elle s'interrompit, | les sanglots l'étouffant, 6+6 b
Puis elle dit, et tous | pleuraient près de l'aïeule : 6+6 a
« Que vais-je devenir | à présent, toute seule ? 6+6 a
Expliquez-moi cela, | vous autres, aujourd'hui. 6+6 b
Hélas ! je n'avais plus | de sa mère que lui. 6+6 b
45 Pourquoi l'a-t-on tué ? | Je veux qu'on me l'explique. 6+6 a
L'enfant n'a pas crié | vive la République. » 6+6 a
Nous nous taisions, debout | et graves, chapeau bas, 6+6 b
Tremblant devant ce deuil | qu'on ne console pas. 6+6 b
Vous ne compreniez point, | mère, la politique. 6+6 a
50 Monsieur Napoléon, | c'est son nom authentique, 6+6 a
Est pauvre, et même prince ; | il aime les palais ; 6+6 b
Il lui convient d'avoir | des chevaux, des valets, 6+6 b
De l'argent pour son jeu, | sa table, son alcôve, 6+6 a
Ses chasses ; par la même | occasion, il sauve 6+6 a
55 La famille, l'église | et la société ; 6+6 b
Il veut avoir Saint-Cloud, | plein de roses l'été, 6+6 b
Où viendront l'adorer | les préfets et les maires, 6+6 a
C'est pour cela qu'il faut | que les vieilles grand-mères, 6+6 a
De leurs pauvres doigts gris | que fait trembler le temps, 6+6 b
60 Cousent dans le linceul | des enfants de sept ans. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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