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GAU_8/GAU312
Théophile GAUTIER
POÉSIES NOUVELLES, POÉSIES INÉDITES ET POÉSIES POSTHUMES
édition Maurice Dreyfous
1831-1872
TRADUCTION LITTÉRALE
Des fragments en vers qui se trouvent dans
L'ÉPICURIEN
I
Sur l'eau pure du lac, dans la lueur du soir, 6+6 a
Le reflet d'un temple s'allonge. 8 b
La fille de Corinthe y vient, et va s'asseoir 6+6 a
A l'escalier qui dans l'eau plonge. 8 b
5 Elle feuillette un livre et se penche en rêvant. 6+6 c
Placé près d'elle, un jeune sage 8 d
Écarte ses cheveux dénoués, dont le vent 6+6 c
Fait flotter l'ombre sur la page. 8 d
II
Si ce n'était cette voix du tombeau 4+6 a
10 Qui vient chuchoter à la joie, 8 b
Ce corps charmant, ce visage si beau, 4+6 a
Ce soir des vers seront la proie ; 8 b
Si ce n'était cette amertume au cœur, 4+6 c
Dans cette vie, oh ! combien de bonheur ! 4+6 c
15 Comme mon âme, à l'absorber avide, 4+6 d
Ne quitterait la coupe d'or que vide ! 4+6 d
Dieu je serais, changeant la terre en cieux, 4+6 e
Si le plaisir pouvait faire les dieux ! 4+6 e
III
Aussi loin qu'aux clartés du plus limpide azur 6+6 a
20 Que jamais sur la sphère ait tendu le ciel pur, 6+6 a
L'œil saisit des objets les formes apparues, 6+6 b
On découvre toujours des jardins et des rues 6+6 b
Marquant de leurs piliers des parcours infinis, 6+6 a
Des temples, vaste amas de marbres, de granits, 6+6 a
25 Des palais de porphyre énormes et splendides, 6+6 b
Et s'élançant des eaux de hautes pyramides 6+6 b
Plus vieilles que le temps, et dont l'Éterni 6+6 a
N'ébréchera jamais le profil respecté. 6+6 a
Cependant sur le lac tout est tumulte et joie, 6+6 a
30 Et l'animation largement s'y déploie ; 6+6 a
Le commerce, l'amour et le culte des dieux 6+6 b
Y forment un spectacle étrange et radieux. 6+6 b
Une procession sur les marches des temples 6+6 a
Avec ses prêtres blancs vêtus de robes amples 6+6 a
35 Se développe au son des cymbales d'argent. 6+6 b
Des embarcations au sillon diligent 6+6 b
Descendent vers la mer, venant de ces contrées 6+6 a
Qu'assourdissent du Nil les chutes effaes, 6+6 a
Avec leur cargaison riche comme un trésor, 6+6 b
40 Plumes, gemmes, parfums, ivoire et poudre d'or, 6+6 b
Au passage exhalant l'odeur aromatique 6+6 a
Que prennent les vaisseaux au soleil exotique. 6+6 a
Ici des pèlerins, enfants de tous pays, 6+6 a
Avant de repartir pour Bubaste ou Saïs, 6+6 a
45 Dans une baie ombreuse où l'onde est plus tranquille 6+6 b
Poussent l'esquif léger avec la rame agile. 6+6 b
D'autres sous les lotus bercent leur frais sommeil, 6+6 a
Ou par des chants joyeux se tiennent en éveil. 6+6 a
Plus loin des acacias parfument de leurs grappes 6+6 b
50 Une plage où du lac fendant les claires nappes 6+6 b
Folâtre un jeune essaim de riantes beautés 6+6 a
En attraits surpassant les charmes si vantés 6+6 a
De celle dont la chaîne aimable au captif même 6+6 b
Tint deux maîtres du monde et rompit au troisième. 6+6 b
IV
55 .............. Astre dont le rayon
S'épanchant sur le monde aux heures taciturnes, 6+6 a
Fait éclore le rêve avec les fleurs nocturnes, 6+6 a
Non cette lune froide et brumeuse du nord, 6+6 b
Versant aux jeunes cœurs, comme un philtre de mort, 6+6 b
60 Le sang pâle et gla de la vestale chaste ; 6+6 a
Mais l'ardente Phœ qui règne dans Bubaste, 6+6 a
Et ne voit rien, du haut de son brillant séjour, 6+6 b
Chez l'homme et chez les dieux d'aussi beau que l'amour ! 6+6 b
V
Rhodope, cette nymphe à la beauté splendide, 6+6 a
65 Qui vit, dit-on, plongée en un demi-sommeil, 6+6 b
Sur l'or et les bijoux inconnus au soleil, 6+6 b
La Dame de la Pyramide ! 8 a
VI
Vous qui voulez courir 6 a
La terrible carrière, 6 b
70 Il faut vivre ou mourir 6 a
Sans regard en arrière. 6 b
Vous qui voulez tenter 6 a
L'onde, l'air et la flamme, 6 b
Terreurs à surmonter 6 a
75 Pour épurer votre âme, 6 b
Si, méprisant la mort, 6 a
Votre foi reste entière, 6 b
En avant ! — le cœur fort 6 a
Reverra la lumière. 6 b
80 Et lira sur l'autel 6 a
Le mot du grand mystère 6 b
Qu'au profane mortel 6 a
Dérobe un voile austère. 6 b
VII
Bois cette coupe — Osiris la savoure 4+6 a
85 A petits traits dans l'empire des morts ; 4+6 b
Il la fait boire au peuple qui l'entoure, 4+6 a
Chaque fantôme en effleure les bords. 4+6 b
Bois cette coupe — elle est, tout frais, remplie 4+6 a
D'une eau puisée au fleuve du Léthé ; 4+6 b
90 En la vidant tout le passé s'oublie 4+6 a
Comme un vain songe au matin emporté ! 4+6 b
Le plaisir, fausse ivresse, 6 a
Vin mêlé de poison ; 6 b
La science, maîtresse 6 a
95 A la dure leçon ; 6 b
L'espoir brillant et vide, 6 a
Semblable aux lacs amers, 6 b
Trompant la lèvre avide 6 a
Aux sables des déserts ; 6 b
100 L'amour dont la main noue 6 a
Des liens innocents 6 b
Où le serpent se joue 6 a
En replis malfaisants ; 6 b
Tout ce que tu connus de mauvais ou d'infâme 6+6 a
105 Dispartra soudain dans un oubli profond, 6+6 b
De tout ressouvenir laissant pure ton âme 6+6 a
Quand ta soif de la coupe aura tari le fond. 6+6 b
VIII
Bois cette coupe — elle est pleine d'un divin baume. 6+6 a
Quand Isis vint aux cieux, Horus entre les bras, 6+6 b
110 Elle dit à son fils, lui montrant son royaume, 6+6 a
Bois cette coupe et toujours tu vivras ! 4+6 b
Je te dis et te chante, ainsi que la déesse, 6+6 a
Toi qui des vastes cieux un jour hériteras : 6+6 b
Fusses-tu dans l'abîme, âme et corps en détresse, 6+6 a
115 Bois cette coupe et toujours tu vivras ! 4+6 b
IX
La Mémoire viendra, menant le chœur des rêves, 6+6 a
Rêves d'un temps plus beau, plus ancien et plus pur ; 6+6 b
Quand l'âme, hôte des cieux, n'avait pas sur les grèves 6+6 a
Laissé choir le duvet de ses ailes d'azur ; 6+6 b
120 Souvenirs glorieux, pareils à cette flamme 6+6 a
Que lance, en s'éteignant, sur les eaux l'astre d'or, 6+6 b
Qui montre ce que fut et ce que n'est plus l'âme, 6+6 a
Mais ce qu'elle pourrait brillamment être encor. 6+6 b
X
O bel arbre d'Abyssinie ! 8 a
125 Nous te prions par ton fruit d'or, 8 b
Par la pourpre à l'azur unie 8 a
Dans ta fleur plus splendide encor, 8 b
Par la muette bienvenue 8 c
Dont ta ramure, en s'abaissant, 8 d
130 D'un air hospitalier salue 8 c
L'étranger sous ton dais passant. 8 d
O bel arbre d'Abyssinie ! 8 a
Quand la nuit, sans lune, descend, 8 b
Combien ta rencontre est bénie 8 a
135 Du voyageur au pas pesant ! 8 b
Du bout caressant de tes branches 8 c
Tu viens baiser ses yeux mi-clos, 8 d
Sur lui tendrement tu te penches 8 c
Et tu lui dis : «Dors en repos !» 8 d
140 O bel arbre d'Abyssinie ! 8 a
Ainsi, vers moi, penche ton front qui plie. 4+6 a
XI
Par une de ces nuits où l'étoile d'amour, 6+6 a
Isis, de son croissant dessinant le contour, 6+6 a
Dans le fleuve sacré mire son front de vierge, 6+6 b
145 Où les couples, guettant sa lueur de la berge, 6+6 b
Calculent en quel temps son cours recommen 6+6 c
Doit la remettre aux bras du Soleil-fiancé. 6+6 c
XII
............ Le fleuve qui naguère
Glissait entre ses bords, garni des deux côtés 6+6 a
150 Par des palais de marbre et de riches cités, 6+6 a
Pareils à des joyaux sertis dans une chaîne, 6+6 b
Inondant à présent la vallée et la plaine, 6+6 b
Comme un géant qui sort de son lit brusquement, 6+6 c
S'étale et couvre tout de son flot écumant. 6+6 c
mètre profils métriques : 8, 6, 6+6, 4+6
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