Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
DES_2/DES240
Marceline DESBORDES-VALMORE
LES PLEURS
1830
LE ROSSIGNOL AVEUGLE
À MADAME CAROLINE BRANCHU
Nous ne saurions nous attendrir sur la destinée
d’autrui, ou même sur la nôtre, sans valoir quel-
que chose ; car il y a une grande intensité de
vie dans la douleur. — Hélas ! souffrir, c’est
encore vivre fortement, puisque c’est vivre avec
lutte et violence.
Kératry.
Pauvre exilé de l’air !sans ailes, sans lumière, 6+6 a
 Oh ! comme on t’a fait malheureux ! 8 b
Quelle ombre impénétrableinonde ta paupière ! 6+6 a
Quel deuil est étendusur tes chants douloureux ! 6+6 b
5 Innocent Bélisaire !une empreinte brûlante 6+6 a
Du jour sur ta prunellea séché les couleurs ; 6+6 b
Et ta mémoire y rouleincessamment des pleurs, 6+6 b
Et tu ne sais pourquoiDieu fait la nuit si lente ! 6+6 a
Et Dieu nous verse encorla nuit égale au jour. 6+6 a
10 Non ! ta nuit sans rayonsn’est pas son triste ouvrage ; 6+6 b
Il ouvrit tout un cielà ton vol plein d’amour, 6+6 a
 Et ton vol mutilé l’outrage ! 8 b
Par lui ton cœur éteints’illumine d’espoir. 6+6 a
Un éclair qu’il allumeà ton horizon noir 6+6 a
15 Te fait rêver de l’aube,ou des étoiles blanches, 6+6 b
Ou d’un reflet de l’eauqui glisse entre les branches 6+6 b
 Des bois que tu ne peux plus voir ! 8 a
Et tu chantes les bois,puisque tu vis encore. 6+6 a
Tu chantes : pour l’oiseau,respirer, c’est chanter. 6+6 b
20 Mais quoi ! pour modulerl’ennui qui te dévore, 6+6 a
Sous le voile vivantqui t’usurpe l’aurore, 6+6 a
Combien d’autres accentste faut-il inventer ! 6+6 b
Un cœur d’oiseau sait-iltant de notes plaintives ? 6+6 a
Ah ! quand la libertésoufflait dans tes chansons, 6+6 b
25 Qu’avec ravissementtes ailes incaptives 6+6 a
Dans l’azur sans barrièreemportaient ses leçons ! 6+6 b
Douce horloge du soiraux saules suspendue, 6+6 a
Ton timbre jetait l’heureaux pâtres dispersés ; 6+6 b
Mais le timbre égarédans ta clarté perdue 6+6 a
30 Sonne toujours minuitsur tes chants oppressés. 6+6 b
Tes chants n’éveillent plusla pâle primevère 6+6 a
Qui meurt sans recevoirles baisers du soleil, 6+6 b
Ni le souci fermésous le doigt du sommeil 6+6 b
Qui se rouvre baignéd’une rosée amère. 6+6 a
35 Tu ne sais pas quel astreéclaire tes instants ; 6+6 a
Tu bois, sans les compter,tes heures de souffrance ; 6+6 b
 Car la veille sans espérance 8 b
 Ne sent pas la fuite du temps ! 8 a
Tu ne vas plus verserton hymne sur la rose, 6+6 a
40 Ni retremper ta voixdans le feu qui l’arrose. 6+6 a
Cette haleine d’encens,ce parfum tant aimé, 6+6 a
C’est l’amour qui fermenteau fond d’un cœur fermé ; 6+6 a
 Et ton cœur contre ta cage 7 a
 Se jette avec désespoir ; 7 b
45  Et l’on rit du vain courage 7 a
 Qui heurte ton esclavage 7 a
Sur un barreau sanglantque tu ne peux mouvoir. 6+6 b
Du fond de ton sépulcreun cri lent et sonore 6+6 a
Dénonce tes malheursautre part entendus ; 6+6 b
50  Ton œil vide s’ouvre encore 7 a
 Pour saluer une aurore 7 a
 Que l’homme n’éteindra plus ! 7 b
 Ce jour que l’esclave envie 7 a
 Du moins changera son sort, 7 b
55  Et je sais trop de la vie, 7 a
 Pour médire de la mort ! 7 b
Chante la liberté,prisonnier ! Dieu t’écoute. 6+6 a
Allons ! nous voici deuxà chanter devant lui. 6+6 b
J’ai su dire ma joie,et je sais aujourd’hui 6+6 b
60  Ce qu’un son douloureux te cte ! 8 a
Chante pour tes bourreauxqui daignent te nourrir, 6+6 a
Qui t’ont ravi des cieuxla flamme épanouie ; 6+6 b
Tes cris font des accords,ton deuil les désennuie ; 6+6 b
Si ta douleur s’enferme,ils te feront mourir ! 6+6 a
65  Chante donc ta douleur profonde, 8 a
 Ton désert au milieu du monde, 8 a
 Ton veuvage, ton abandon ; 8 a
 Dis, dis quelle amertume affreuse 8 b
 Rend la liberté douloureuse 8 b
70  Pour qui n’en sait plus que le nom ! 8 a
 Dis qu’il fait froid dans ta pensée, 8 a
 Comme quand une voix glacée 8 a
 Souffla sur le feu de mon cœur, 8 a
 Pour éteindre aussi la lumière 8 b
75  D’une espérance,—la première, 8 b
 Que je prenais pour le bonheur ! 8 a
 Laisse ton hymne désolée, 8 a
 Comme l’eau dans une vallée, 8 a
 S’épancher sur tes sombres jours, 8 b
80  Et que l’espoir filtre toujours 8 b
 Au fond de ta joie écoulée ! 8 a
mètre profils métriques : 8, 7, 6+6
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