Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DES_1/DES32
Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
ÉLÉGIES
À DÉLIE
Du goût des vers pourquoi me faire un crime ? 4+6 a
Leur prestige est si doux pour un cœur attristé ! 6+6 b
Il ôte un poids au malheur qui m’opprime ; 4+6 a
Comme une erreur plus tendre, il a sa volupté. 6+6 b
5 Légère, libre encor, d’hommages entoue, 6+6 a
Dans les plaisirs coulent vos heureux jours ; 4+6 b
Et, paisiblement adorée, 8 a
Vous riez avec les Amours. 8 b
Ah ! loin de la troubler, qu’ils charment votre vie ! 6+6 a
10 Que pour vous le printemps soit prodigue de fleurs : 6+6 b
Que tout prenne à vos yeux ses brillantes couleurs ! 6+6 b
Riez, riez toujours, ô volage Délie ! 6+6 a
Abandonnez vos nuits aux songes les plus doux ; 6+6 a
Qu’ils soient de vos beaux jours une glace fidèle ! 6+6 b
15 À force de bonheur soyez encor plus belle, 6+6 b
Et qu’au réveil l’Amour vous le dise à genoux ! 6+6 a
Mais quoi ! si vous trouviez un rebelle à vos charmes, 6+6 a
Après mille serments s’il trahissait vos vœux, 6+6 b
La douce flamme de vos yeux 8 b
20 S’éteindrait bientôt dans les larmes. 8 a
Vous sentiriez alors le besoin de rêver, 6+6 a
De livrer au hasard votre marche incertaine, 6+6 b
De ralentir vos pas au bruit d’une fontaine, 6+6 b
Et d’y pleurer les maux que je viens d’éprouver. 6+6 a
25 N’enviez plus à votre amie 8 a
Un plaisir aussi douloureux : 8 b
Ravir la plainte aux malheureux, 8 b
C’est leur dire : Quittez la vie ! 8 a
Quand je vous vois disputer au miroir 4+6 a
30 De frcheur et de grâce avec les fleurs que j’aime, 6+6 b
Quand je vous y vois prendre en secret, pour vous-même, 6+6 b
Tout le plaisir que l’on goûte à vous voir, 4+6 a
M’entendez-vous, ô ma chère Délie, 4+6 a
Vous reprocher un passe-temps si doux ? 4+6 b
35 Non ! je deviens moins sombre en vous voyant jolie ; 6+6 a
Je pardonne à l’Amour, je lui souris pour vous. 6+6 b
Mais si de la g la parure est l’emblême, 6+6 a
Elle donne un éclat plus triste à la pâleur : 6+6 b
À la beauté brillante il faut un diadème, 6+6 a
40 Il faut un voile à la douleur. 8 b
De ce lis embaumé, qui pour vous vient d’éclore, 6+6 a
Couronnez votre front charmant ; 8 b
Mon front, que l’ennui décolore, 8 a
Doit se pencher sans ornement. 8 b
45 Du sort qui m’enchantait la fatale inconstance 6+6 a
De ma jeunesse a flétri l’espérance ; 4+6 a
Un orage a courbé le rameau délicat, 6+6 a
Et mes vingt ans passeront sans éclat : 4+6 a
Je les donne à la solitude ; 8 a
50 Je donne aux Muses mes loisirs. 8 b
L’art de plaire fait votre étude, 8 a
L’art d’aimer fera mes plaisirs. 8 b
Mais non, je l’oublîrai cet art, ce don funeste, 6+6 a
Qui servit à l’Amour quand il forma mon cœur. 6+6 b
55 Non ! ce présent des cieux ne fait pas le bonheur : 6+6 b
C’est pourtant le seul qui me reste ! 8 a
Le monde où vous régnez me repoussa toujours ; 6+6 a
Il méconnut mon âme à la fois douce et fière ; 6+6 b
Et d’un froid préju l’invincible barrière 6+6 b
60 Au froid isolement condamna mes beaux jours. 6+6 a
L’infortune m’ouvrit le temple de Thalie, 6+6 a
L’espoir m’y prodigua ses riantes erreurs ; 6+6 b
Mais je sentis parfois couler mes pleurs, 4+6 b
Sous le bandeau de la Folie. 8 a
65 Dans ces jeux où l’esprit nous apprend à charmer, 6+6 a
Le cœur doit apprendre à se taire ; 8 b
Et lorsque tout nous ordonne de plaire, 4+6 b
Tout nous défend d’aimer. 6 a
Oh ! des erreurs du monde inexplicable exemple, 6+6 a
70 Charmante Muse ! objet de mépris et d’amour, 6+6 b
Le soir on vous honore au temple, 8 a
Et l’on vous dédaigne au grand jour. 8 b
Je n’ai pu supporter ce bizarre mélange 6+6 a
De triomphe et d’obscurité, 8 b
75 Où l’orgueil insultant nous punit et se venge 6+6 a
D’un éclair de célébrité. 8 b
Trop sensible au mépris, de gloire peu jalouse, 6+6 a
Blessée au cœur d’un trait dont je ne puis guérir, 6+6 b
Sans prétendre aux doux noms et de mère et d’épouse 6+6 a
80 Il me faut donc mourir ! 6 b
Mais vous qui connaissez mon âme toujours pure, 6+6 a
Qui gémissez pour moi des caprices du sort, 6+6 b
Vous qui savez, hélas ! qu’en ma retraite obscure 6+6 a
Il me poursuit encor ; 6 b
85 Faites grâce, du moins, à l’innocent délire 6+6 a
Qui m’apprend, sans effort, à moduler des vers. 6+6 b
Seule, je suis pourtant moins seule avec ma lyre : 6+6 a
Quelqu’un m’entend, me plaint, dans l’univers. 4+6 b
mètre profils métriques : 8, 6, 4+6, 6+6
logo du CRISCO logo de l'université