Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DES_1/DES131
Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
POÉSIES DIVERSES
L’ORPHELINE
Un seigneur, d’aimable figure, 8 a
Brillant d’esprit | et brillant de parure, 4+6 a
Prestiges tout-puissants | sur la simplicité, 6+6 a
Voulut séduire | une jeune beauté. 4+6 a
5 Sans appui dans le monde, | elle était orpheline, 6+6 a
Et se nommait Pauline. 6 a
Pauline, hélas ! | a perdu le repos, 4+6 a
De vifs regards, | de séduisants propos 4+6 a
Troublent la paix | de cette âme ingénue, 4+6 a
10 Elle aime enfin, | et son heure est venue. 4+6 a
Pour un ingrat | devait-elle sonner ? 4+6 a
Mais pour craindre cette heure, | il faut la deviner ; 6+6 a
Et l’Orpheline, | en sa première flamme, 4+6 a
Rêve l’amour | aussi pur que son âme. 4+6 a
15 Six mois ainsi | coulent rapidement. 4+6 a
Tout est bonheur, | ivresse, enchantement. 4+6 a
Un villageois | qui soupirait pour elle, 4+6 a
Renferme alors | sa tendresse fidèle ; 4+6 a
Edmond ne la suit plus, | et cache à tous les yeux 6+6 a
20 Son humble hommage | et ses timides vœux. 4+6 a
Sans le vouloir, | Pauline a su lui plaire : 4+6 a
Edmond n’a plus | qu’à l’aimer et se taire. 4+6 a
L’amour modeste | est souvent méconnu ; 4+6 a
Pour éblouir | il est trop ingénu. 4+6 a
25 Sans s’occuper | d’un amant qu’elle ignore, 4+6 a
Pauline est tout | à celui qu’elle adore ; 4+6 a
Elle ne voit | encor dans l’avenir 4+6 a
Que le moment | où l’ingrat doit venir ; 4+6 a
Et respectant | le séducteur qu’elle aime, 4+6 a
30 Croit n’adorer | que la sagesse même. 4+6 a
Pensive et seule, | elle y rêvait un soir ; 4+6 a
Dans sa cabane | il entre avec l’espoir. 4+6 a
L’amour, la nuit, | la crainte, le silence, 4+6 a
Tout est d’accord | pour perdre l’innocence. 4+6 a
35 Les yeux baissés, | d’un air naïf et doux. 4+6 a
Elle pleure en voyant | son seigneur à genoux. 6+6 a
Riant tout bas | de ses tendres alarmes, 4+6 a
À peine il voit | ses peines et ses larmes. 4+6 a
Sans deviner | qu’on lui vole un plaisir, 4+6 a
40 Pauline, hélas ! | en eut le repentir. 4+6 a
Le lendemain, | dans sa simple demeure, 4+6 a
Avec l’Amour | elle attendit en vain ; 4+6 b
Elle attendit | encor le lendemain, 4+6 b
Le mois entier, | chaque jour, à toute heure ! 4+6 a
45 Par le remords | lentement déchiré, 4+6 a
D’un sombre ennui | son cœur est dévoré. 4+6 a
Elle offre à Dieu | cet amour qui l’opprime ; 4+6 a
Puisqu’il fait tant de mal, | il faut qu’il soit un crime. 6+6 a
Mais ne vivant | que par le souvenir, 4+6 a
50 Le passé la poursuit | jusque dans l’avenir. 6+6 a
Plus de sommeil ; | Pauline en vain l’appelle ; 4+6 a
Pour le malheur | il est sourd et rebelle. 4+6 a
Plus de vertu, | plus d’amis, plus d’amant ; 4+6 a
Tout est perdu | par l’erreur d’un moment. 4+6 a
55 C’est la fleur du vallon | sur sa tige abattue 6+6 a
Par le frimas | qui l’effeuille et la tue. 4+6 a
C’était l’hiver : | la saison de l’Amour 4+6 a
Semblait avoir | disparu sans retour. 4+6 a
Assise, un soir, | au bord de sa chaumière, 4+6 a
60 Pleurant sa honte | et fuyant la lumière, 4+6 a
Un bruit soudain | fait tressaillir son cœur ; 4+6 a
Un char léger | ramène son vainqueur… 4+6 a
Il a parlé… | c’est la voix qu’elle adore : 4+6 a
« C’est lui, dit-elle, | il vient, il m’aime encore ! » 4+6 a
65 Mais un regard | fait tout évanouir ; 4+6 a
L’espoir s’enfuit… | Pauline va mourir. 4+6 a
Oui, c’est l’ingrat | qu’elle attend et qu’elle aime. 4+6 a
Mais peignez-vous | son désespoir extrême ! 4+6 a
Il n’est pas seul. | Il entraîne, à son tour, 4+6 a
70 L’objet nouveau | de son volage amour. 4+6 a
À cette vue, | immobile et glacée, 4+6 a
Le cœur saisi | d’une affreuse pensée, 4+6 a
Pauline au ciel | jette un cri douloureux, 4+6 a
Tombe à genoux | et détourne les yeux. 4+6 a
75 Le froid du soir | circule dans ses veines ; 4+6 a
Son âme s’engourdit | dans l’oubli de ses peines ; 6+6 a
Et, prenant par degrés | le sommeil pour la mort, 6+6 a
En embrassant la terre, | elle pleure et s’endort. 6+6 a
Dieu qui la plaint | l’enveloppe d’un songe ; 4+6 a
80 Et la pitié descend | sur l’aile du mensonge ! 6+6 a
Elle croit voir | un Ange protecteur 4+6 a
La ranimer | doucement sur son cœur, 4+6 a
Presser sa main, | l’observer en silence, 4+6 a
Les yeux mouillés | des pleurs de l’indulgence. 4+6 a
85 « Dieu vous a donc | envoyé près de moi, 4+6 a
Lui dit Pauline, | et vous suivez sa loi ? 4+6 a
Si la vertu | vient essuyer mes larmes, 4+6 a
Parlez ! sa voix | aura pour moi des charmes. 4+6 a
Voyez mon sort ! | voyez mon repentir ! » 4+6 a
90 On lui répond | par un profond soupir. 4+6 a
Son œil mourant | s’entr’ouvre à la lumière. 4+6 a
L’Ange est Edmond | à genoux, sur la pierre, 4+6 a
Qui plein d’effroi, | soutient d’un bras tremblant, 4+6 a
Ce corps glacé | qu’il réchauffe en pleurant. 4+6 a
95 « Ne craignez rien, | dit l’amant jeune et sage ; 4+6 a
Sans défiance | appuyez-vous sur moi ; 4+6 b
Notre cabane | est au bout du village ; 4+6 a
Un cri plaintif | vient d’y porter l’effroi. 4+6 b
Ma mère attend, | venez près de ma mère ; 4+6 a
100 Vous lui direz | le sujet de vos pleurs ; 4+6 b
Ma mère est bonne, | elle plaint vos douleurs ; 4+6 b
Soyez sa fille, et moi… | je serai votre frère. 6+6 a
— Hélas ! dit-elle, | avec même douceur, 4+6 a
Soyez mon frère, | et sauvez votre sœur. » 4+6 a
mètre profils métriques : 4+6, 6+6, (8), (6)
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