Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
VOL_4/VOL93
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
LES ÉPÎTRES
1706-1778
ÉPÎTRE XLI
1733
À MADAME LA MARQUISE DU CHÂTELET,
SUR LA CALOMNIE
Écoutez-moi,respectable Émilie : 4+6 a
Vous êtes belle ;ainsi donc la moitié 4+6 b
Du genre humainsera votre ennemie : 4+6 a
Vous possédezun sublime génie ; 4+6 a
5 On vous craindra :votre tendre amitié 4+6 b
Est confiante,et vous serez trahie. 4+6 a
Votre vertu,dans sa démarche unie, 4+6 a
Simple et sans fard,n'a point sacrifié 4+6 b
À nos dévots ;craignez la calomnie. 4+6 a
10 Attendez-vous,s'il vous plt, dans la vie, 4+6 a
Aux traits malinsque tout fat à la cour, 4+6 a
Par passe-temps,souffre et rend tour à tour. 4+6 a
La médisanceest la fille immortelle 4+6 a
De l'amour-propreet de l'oisiveté. 4+6 b
15 Ce monstre ailépart mâle et femelle, 4+6 a
Toujours parlant,et toujours écouté. 4+6 b
Amusementet fléau de ce monde, 4+6 a
Elle y préside,et sa vertu féconde 4+6 a
Du plus stupideéchauffe les propos ; 4+6 a
20 Rebut du sage,elle est l'esprit des sots. 4+6 a
En ricanant,cette maigre furie 4+6 a
Va de sa langueépandre les venins 4+6 b
Sur tous états ;mais trois sortes d'humains, 4+6 b
Plus que le reste,aliments de l'envie, 4+6 a
25 Sont exposésà sa dent de harpie : 4+6 a
Les beaux esprits,les belles, et les grands, 4+6 a
Sont de ses traitsles objets différents. 4+6 a
Quiconque en Franceavec éclat attire 4+6 a
L'œil du public,est sûr de la satire ; 4+6 a
30 Un bon couplet,chez ce peuple falot, 4+6 a
De tout mériteest l'infaillible lot. 4+6 a
La jeune églé,de pompons couronnée, 4+6 a
Devant un prêtreà minuit amenée, 4+6 a
Va dire un oui,d'un air tout ingénu, 4+6 a
35 À son mari,qu'elle n'a jamais vu. 4+6 a
Le lendemain,en triomphe on la mène 4+6 a
Au cours, au bal,chez Bourbon, chez la reine ; 4+6 a
Le lendemain,sans trop savoir comment, 4+6 a
Dans tout Parison lui donne un amant ; 4+6 a
40 Roy la chansonne,et son nom par la ville 4+6 a
Court ajustésur l'air d'un vaudeville. 4+6 a
Églé s'en meurt :ses cris sont superflus. 4+6 a
Consolez-vous,églé, d'un tel outrage : 4+6 b
Vous pleurerez,hélas ! Bien davantage, 4+6 b
45 Lorsque de vouson ne parlera plus. 4+6 a
Et nommez-moila beauté, je vous prie, 4+6 a
De qui l'honneurfut toujours à couvert ? 4+6 b
Lisez-moi Bayle,à l'article Schomberg, 4+6 b
Vous y verrezque la vierge Marie 4+6 a
50 Des chansonniers,comme une autre, a souffert. 4+6 b
Jérusalema connu la satire. 4+6 a
Persans, chinois,baptisés, circoncis, 4+6 b
Prennent ses lois :la terre est son empire ; 4+6 a
Mais, croyez-moi,son trône est à Paris. 4+6 b
55 Là, tous les soirs,la troupe vagabonde 4+6 a
D'un peuple oisif,appelé le beau monde, 4+6 a
Va promenerde réduit en réduit 4+6 a
L'inquiétudeet l'ennui qui la suit ; 4+6 a
Là, sont en fouleantiques mijaurées, 4+6 a
60 Jeunes oisons,et bégueules titrées, 4+6 a
Disant des riensd'un ton de perroquet, 4+6 a
Lorgnant des sots,et trichant au piquet ; 4+6 a
Blondins y sont,beaucoup plus femmes qu'elles, 4+6 a
Profondémentremplis de bagatelles, 4+6 a
65 D'un air hautain,d'une bruyante voix, 4+6 a
Chantant, dansant,minaudant à la fois. 4+6 a
Si, par hasard,quelque personne honnête, 4+6 a
D'un sens plus droitet d'un gt plus heureux, 4+6 b
Des bons écritsayant meublé sa tête, 4+6 a
70 Leur fait l'affrontde penser à leurs yeux, 4+6 b
Tout aussitôtleur brillante cohue, 4+6 c
D'étonnementet de colère émue, 4+6 c
Bruyant essaimde frelons envieux, 4+6 b
Pique et poursuitcette abeille charmante, 4+6 d
75 Qui leur apporte,hélas ! Trop imprudente, 4+6 d
Ce miel si puret si peu fait pour eux. 4+6 b
Quant aux héros,aux princes, aux ministres, 4+6 a
Sujets usésde nos discours sinistres, 4+6 a
Qu'on m'en nomme undans Rome et dans Paris, 4+6 a
80 Depuis Césarjusqu'au jeune Louis, 4+6 a
De Richelieujusqu'à l'ami d'Auguste, 4+6 a
Dont un Pasquinn'ait barbouillé le buste. 4+6 a
Ce grand Colbert,dont les soins vigilants 4+6 a
Nous avaient plusenrichis en dix ans 4+6 a
85 Que les mignons,les catins et les prêtres, 4+6 a
N'ont, en mille ans,appauvri nos ancêtres ; 4+6 a
Cet homme unique,et l'auteur, et l'appui 4+6 a
D'une grandeur nous n'osions prétendre, 4+6 b
Vit tout l'étatmurmurer contre lui ; 4+6 a
90 Et le françaisosa troubler la cendre 4+6 b
Du bienfaiteurqu'il révère aujourd'hui. 4+6 a
Lorsque Louis,qui, d'un esprit si ferme, 4+6 b
Brava la mortcomme ses ennemis, 4+6 a
De ses grandeursayant subi le terme, 4+6 b
95 Vers sa chapelleallait à Saint-Denis, 4+6 a
J'ai vu son peuple,aux nouveautés en proie, 4+6 a
Ivre de vin,de folie, et de joie, 4+6 a
De cent coupletségayant le convoi, 4+6 a
Jusqu'au tombeaumaudire encor son roi. 4+6 a
100 Vous avez tousconnu, comme je pense, 4+6 a
Ce bon régentqui gâta tout en France : 4+6 a
Il était népour la société, 4+6 a
Pour les beaux-arts,et pour la volupté ; 4+6 a
Grand, mais facile,ingénieux, affable, 4+6 a
105 Peu scrupuleux,mais de crime incapable. 4+6 a
Et cependant,ô mensonge ! ô noirceur ! 4+6 a
Nous avons vula ville et les provinces, 4+6 b
Au plus aimable,au plus clément des princes, 4+6 b
Donner les noms…quelle absurde fureur ! 4+6 a
110 Chacun les litces archives d'horreur, 4+6 a
Ces vers impurs,appelés Philippiques, 4+6 a
De l'impostureeffroyables chroniques ; 4+6 a
Et nul françaisn'est assez généreux 4+6 a
Pour s'élever,pour déposer contre eux. 4+6 a
115 Que le mensongeun instant vous outrage, 4+6 a
Tout est en feusoudain pour l'appuyer : 4+6 b
La véritéperce enfin le nuage, 4+6 a
Tout est de glaceà vous justifier. 4+6 b
Mais voulez-vous,après ce grand exemple, 4+6 a
120 Baisser les yeuxsur de moindres objets ? 4+6 b
Des souverainsdescendons aux sujets ; 4+6 b
Des beaux espritsouvrons ici le temple, 4+6 a
Temple autrefoisl'objet de mes souhaits, 4+6 b
Que de si loinDesfontaines contemple, 4+6 a
125 Et que Gaconne visita jamais. 4+6 b
Entrons : d'abordon voit la jalousie 4+6 a
Du dieu des versla fille et l'ennemie, 4+6 a
Qui, sous les traitsde l'émulation, 4+6 b
Souffle l'orgueil,et porte sa furie 4+6 a
130 Chez tous ces fouscourtisans d'Apollon. 4+6 b
Voyez leur troupeinquiète, affamée, 4+6 a
Se déchirantpour un peu de fumée, 4+6 a
Et l'un sur l'autreépanchant plus de fiel 4+6 a
Que l'implacableet mordant janséniste 4+6 b
135 N'en a lancésur le fin moliniste, 4+6 b
Ou que Doucin,cet adroit casuiste, 4+6 b
N'en a versédessus Pasquier-Quesnel. 4+6 a
Ce vieux rimeur,couvert d'ignominies, 4+6 a
Organe impurde tant de calomnies, 4+6 a
140 Cet ennemidu public outragé, 4+6 a
Puni sans cesse,et jamais corrigé, 4+6 b
Ce vil Rufus,que jadis votre père 4+6 c
A, par pitié,tiré de la misère, 4+6 c
Et qui bientôt,serpent envenimé, 4+6 b
145 Piqua le seinqui l'avait ranimé ; 4+6 a
Lui qui, mêlantla rage à l'impudence, 4+6 a
Devant Thémisaccusa l'innocence ; 4+6 a
L'affreux Rufus,loin de cacher en paix 4+6 a
Des jours tissusde honte et de forfaits, 4+6 a
150 Vient rallumer,aux marais de Bruxelles, 4+6 a
D'un feu mourantles pâles étincelles, 4+6 a
Et contre moicroit rejeter l'affront 4+6 a
De l'infamieécrite sur son front. 4+6 a
Mais que feronttous les traits satiriques 4+6 a
155 Que d'un bras faibleil décoche aujourd'hui. 4+6 b
Et ces ramasde larcins marotiques, 4+6 a
Moitié françaiset moitié germaniques, 4+6 a
Pétris d'erreur,et de haine, et d'ennui ? 4+6 b
Quel est le but,l'effet, la récompense, 4+6 a
160 De ces recueilsd'impure médisance ? 4+6 a
Le malheureux,délaissé des humains, 4+6 a
Meurt des poisonsqu'ont préparés ses mains. 4+6 a
Ne craignons riende qui cherche à médire. 4+6 a
En vain Boileau,dans ses sévérités, 4+6 b
165 A de Quinaultdénigré les beautés ; 4+6 b
L'heureux Quinault,vainqueur de la satire, 4+6 a
Rit de sa haine,et marche à ses côtés. 4+6 b
Moi-même, enfin,qu'une cabale inique 4+6 a
Voulut noircirde son souffle caustique, 4+6 a
170 Je sais jouir,en dépit des cagots, 4+6 a
De quelque gloire,et même du repos. 4+6 a
Voici le pointsur lequel je me fonde. 4+6 a
On entre en guerreen entrant dans le monde. 4+6 a
Homme privé,vous avez vos jaloux, 4+6 a
175 Rampant dans l'ombre,inconnus comme vous, 4+6 a
Obscurémenttourmentant votre vie : 4+6 a
Homme public,c'est la publique envie 4+6 a
Qui contre vouslève son front altier. 4+6 a
Le coq jalouxse bat sur son fumier, 4+6 a
180 L'aigle dans l'air,le taureau dans la plaine : 4+6 a
Tel est l'étatde la nature humaine. 4+6 a
La jalousieet tous ses noirs enfants 4+6 a
Sont au théâtre,au conclave, aux couvents. 4+6 a
Montez au ciel :trois déesses rivales 4+6 a
185 Troublent le ciel,qui rit de leurs scandales. 4+6 a
Que faire donc ?à quel saint recourir ? 4+6 a
Je n'en sais point :il faut savoir souffrir. 4+6 a
mètre profil métrique : 4+6
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