Métrique en Ligne
VOL_4/VOL88
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
LES ÉPÎTRES
1706-1778
ÉPÎTRE XXXVI
1732
A UNE DAME,
OU SOI-DISANT TELLE
Tu commences par me louer, 8 a
Tu veux finir par me connaître : 8 b
Tu me loueras bien moins. Mais il faut t'avouer 6+6 a
Ce que je suis, ce que je voudrais être. 4+6 b
5 J'aurai vu dans trois ans passer quarante hivers. 6+6 c
Apollon présidait au jour qui m'a vu naître. 6+6 b
Au sortir du berceau j'ai bégayé des vers. 6+6 c
Bientôt ce dieu puissant m'ouvrit son sanctuaire : 6+6 a
Mon cœur, vaincu par lui, se rangea sous sa loi. 6+6 b
10 D'autres ont fait des vers par le désir d'en faire ; 6+6 a
Je fus poëte malgré moi. 8 b
Tous les goûts à la fois sont entrés dans mon âme ; 6+6 a
Tout art a mon hommage, et tout plaisir m'enflamme ; 6+6 a
La peinture me charme : on me voit quelquefois 6+6 a
15 Au palais de Philippe, ou dans celui des rois, 6+6 a
Sous les efforts de l'art admirer la nature, 6+6 a
Du brillant Cagliari saisir l'esprit divin, 6+6 b
Et dévorer des yeux la touche noble et sûre 6+6 a
De Raphaël et du Poussin. 8 b
20 De ces appartements qu'anime la peinture, 6+6 a
Sur les pas du plaisir je vole à l'opéra ; 6+6 a
J'applaudis tout ce qui me touche, 8 b
La fertilité de Campra, 8 a
La gaîté de Mouret, les grâces de Destouches ; 6+6 b
25 Pélissier par son art, Le Maure par sa voix, 6+6 a
Tour à tour ont mes vœux et suspendent mon choix. 6+6 a
Quelquefois, embrassant la science hardie 6+6 a
Que la curiosité 7 b
Honora par vanité 7 b
30 Du nom de philosophie, 7 a
Je cours après Newton dans l'abîme des cieux ; 6+6 a
Je veux voir si des nuits la courrière inégale, 6+6 b
Par le pouvoir changeant d'une force centrale, 6+6 b
En gravitant vers nous s'approche de nos yeux, 6+6 a
35 Et pèse d'autant plus qu'elle est près de ces lieux, 6+6 a
Dans les limites d'un ovale. 8 a
J'en entends raisonner les plus profonds esprits, 6+6 b
Maupertuis et Clairaut, calculante cabale ; 6+6 a
Je les vois qui des cieux franchissent l'intervalle, 6+6 c
40 Et je vois trop souvent que j'ai très-peu compris. 6+6 b
De ces obscurités je passe à la morale ; 6+6 c
Je lis au cœur de l'homme, et souvent j'en rougis. 6+6 a
J'examine avec soin les informes écrits, 6+6 a
Les monuments épars, et le style énergique 6+6 a
45 De ce fameux Pascal, ce dévot satirique. 6+6 a
Je vois ce rare esprit trop prompt à s'enflammer ; 6+6 a
Je combats ses rigueurs extrêmes. 8 b
Il enseigne aux humains à se haïr eux-mêmes ; 6+6 b
Je voudrais, malgré lui, leur apprendre à s'aimer. 6+6 a
50 Ainsi mes jours égaux, que les muses remplissent, 6+6 a
Sans soins, sans passions, sans préjugés fâcheux, 6+6 b
Commencent avec joie, et vivement finissent 6+6 a
Par des soupers délicieux. 8 b
L'amour dans mes plaisirs ne mêle plus ses peines ; 6+6 a
55 La tardive raison vient de briser mes chaînes ; 6+6 a
J'ai quitté prudemment ce dieu qui m'a quitté ; 6+6 a
J'ai passé l'heureux temps fait pour la volupté. 6+6 a
Est-il donc vrai, grands dieux ! Il ne faut plus que j'aime. 6+6 a
La foule des beaux-arts, dont je veux tour à tour 6+6 b
60 Remplir le vide de moi-même, 8 a
N'est pas encore assez pour remplacer l'amour. 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 7, 6+6, (4+6)
forme globale type : suite de strophes
schéma : 1[ababcbc] 4[abab] 7[aa] 1[ababa] 2[abba] 1[abbaa] 1[abacbc]
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