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| = césure
VOL_4/VOL82
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
LES ÉPÎTRES
1706-1778
ÉPÎTRE XXX
1729
AUX MÂNES DE M. DE GENONVILLE
Toi que le ciel jaloux ravit dans son printemps ; 6+6 a
Toi de qui je conserve un souvenir fidèle, 6+6 b
Vainqueur de la mort et du temps ; 8 a
Toi dont la perte, après dix ans, 8 a
5 M'est encore affreuse et nouvelle ; 8 b
Si tout n'est pas détruit ; si, sur les sombres bords, 6+6 a
Ce souffle si caché, cette faible étincelle, 6+6 b
Cet esprit, le moteur et l'esclave du corps, 6+6 a
Ce je ne sais quel sens qu'on nomme âme immortelle, 6+6 b
10 Reste inconnu de nous, est vivant chez les morts ; 6+6 a
S'il est vrai que tu sois, et si tu peux m'entendre, 6+6 a
Ô mon cher Genonville ! Avec plaisir reçoi 6+6 b
Ces vers et ces soupirs que je donne à ta cendre, 6+6 a
Monument d'un amour immortel comme toi. 6+6 b
15 Il te souvient du temps où l'aimable égérie, 6+6 a
Dans les beaux jours de notre vie, 8 a
Écoutait nos chansons, partageait nos ardeurs. 6+6 b
Nous nous aimions tous trois. La raison, la folie, 6+6 a
L'amour, l'enchantement des plus tendres erreurs, 6+6 b
20 Tout réunissait nos trois cœurs. 8 b
Que nous étions heureux ! Même cette indigence, 6+6 a
Triste compagne des beaux jours, 8 b
Ne put de notre joie empoisonner le cours. 6+6 b
Jeunes, gais, satisfaits, sans soins, sans prévoyance, 6+6 a
25 Aux douceurs du présent bornant tous nos désirs, 6+6 c
Quel besoin avions-nous d'une vaine abondance ? 6+6 a
Nous possédions bien mieux, nous avions les plaisirs ! 6+6 c
Ces plaisirs, ces beaux jours coulés dans la mollesse, 6+6 a
Ces ris, enfants de l'allégresse, 8 a
30 Sont passés avec toi dans la nuit du trépas. 6+6 a
Le ciel, en récompense, accorde à ta mtresse 6+6 b
Des grandeurs et de la richesse, 8 b
Appuis de l'âge mûr, éclatant embarras, 6+6 a
Faible soulagement quand on perd sa jeunesse. 6+6 b
35 La fortune est chez elle, où fut jadis l'amour. 6+6 a
Les plaisirs ont leur temps, la sagesse a son tour. 6+6 a
L'amour s'est envo sur l'aile du bel âge ; 6+6 a
Mais jamais l'amitié ne fuit du cœur du sage. 6+6 a
Nous chantons quelquefois et tes vers et les miens ; 6+6 a
40 De ton aimable esprit nous célébrons les charmes ; 6+6 b
Ton nom se mêle encore à tous nos entretiens ; 6+6 a
Nous lisons tes écrits, nous les baignons de larmes. 6+6 b
Loin de nous à jamais ces mortels endurcis, 6+6 a
Indignes du beau nom, du nom sacré d'amis, 6+6 a
45 Ou toujours remplis d'eux, ou toujours hors d'eux-même, 6+6 a
Au monde, à l'inconstance ardents à se livrer, 6+6 b
Malheureux, dont le cœur ne sait pas comme on aime, 6+6 a
Et qui n'ont point connu la douceur de pleurer ! 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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