Métrique en Ligne
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F = "e" féminin
| = césure
VOL_4/VOL69
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
LES ÉPÎTRES
1706-1778
ÉPÎTRE XVII
1719
À MONSIEUR DE LA FALUÈRE DE GENONVILLE,
CONSEILLER AU PARLEMENT, ET INTIME AMI DE L'AUTEUR
SUR UNE MALADIE
Ne me soupçonne point de cette vani 6+6 a
Qu'a notre ami Chaulieu de parler de lui-même, 6+6 b
Et laisse-moi jouir de la douceur extrême 6+6 b
De t'ouvrir avec liberté 8 a
5 Un cœur qui te plaît et qui t'aime. 8 b
De ma muse, en mes premiers ans, 8 a
Tu vis les tendres fruits imprudemment éclore ; 6+6 b
Tu vis la calomnie avec ses noirs serpents 6+6 a
Des plus beaux jours de mon printemps 8 a
10 Obscurcir la naissante aurore. 8 b
D'une injuste prison je subis la rigueur : 6+6 a
Mais au moins de mon malheur 7 a
Je sus tirer quelque avantage : 8 a
J'appris à m'endurcir contre l'adversité, 6+6 b
15 Et je me vis un courage 7 a
Que je n'attendais pas de la légère 6+6 b
Et des erreurs de mon jeune âge. 8 a
Dieux ! Que n'ai-je eu depuis la même fermeté ! 6+6 a
Mais à de moindres alarmes 7 b
20 Mon cœur n'a point résisté. 7 a
Tu sais combien l'amour m'a fait verser de larmes ; 6+6 b
Fripon, tu le sais trop bien, 7 a
Toi dont l'amoureuse adresse 7 b
M'ôta mon unique bien ; 7 a
25 Toi dont la délicatesse, 7 b
Par un sentiment fort humain, 8 a
Aima mieux ravir ma maîtresse 8 b
Que de la tenir de ma main. 8 a
Tu me vis sans scrupule en proie à la tristesse : 6+6 b
30 Mais je t'aimai toujours tout ingrat et vaurien ; 6+6 c
Je te pardonnai tout avec un cœur chrétien, 6+6 c
Et ma facili fit grâce à ta faiblesse. 6+6 b
Hélas ! Pourquoi parler encor de mes amours ? 6+6 a
Quelquefois ils ont fait le charme de ma vie : 6+6 b
35 Aujourd'hui la maladie 7 b
En éteint le flambeau peut-être pour toujours. 6+6 a
De mes ans passagers la trame est raccourcie ; 6+6 b
Mes organes lassés sont morts pour les plaisirs ; 6+6 a
Mon cœur est étonné de se voir sans désirs. 6+6 a
40 Dans cet état il ne me reste 8 a
Qu'un assemblage vain de sentiments confus, 6+6 b
Un présent douloureux, un avenir funeste, 6+6 a
Et l'affreux souvenir d'un bonheur qui n'est plus. 6+6 b
Pour comble de malheur, je sens de ma pene 6+6 a
45 Se déranger les ressorts ; 7 b
Mon esprit m'abandonne, et mon âme éclipsée 6+6 a
Perd en moi de son être, et meurt avant mon corps. 6+6 b
Est-ce là ce rayon de l'essence suprême 6+6 a
Qu'on nous dépeint si lumineux ? 8 b
50 Est-ce là cet esprit survivant à nous-même ? 6+6 a
Il naît avec nos sens, croît, s'affaiblit comme eux : 6+6 b
Hélas ! Périrait-il de même ? 8 a
Je ne sais ; mais j'ose espérer 8 a
Que, de la mort, du temps, et des destins le maître, 6+6 b
55 Dieu conserve pour lui le plus pur de notre être, 6+6 b
Et n'anéantit point ce qu'il daigne éclairer. 6+6 a
mètre profils métriques : 8, 7, 6+6
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