Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VOL_4/VOL162
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
LES ÉPÎTRES
1706-1778
ÉPÎTRE CX
1771
À MONSIEUR D'ALEMBERT
Esprit juste et profond, parfait ami, vrai sage, 6+6 a
D'Alembert, que dis-tu de mon dernier ouvrage ? 6+6 a
Le roi danois et toi, mes juges souverains, 6+6 b
Vous donnez carte blanche à tous les écrivains. 6+6 b
5 Le privilége est beau ; mais que faut-il écrire ? 6+6 a
Me permettriez-vous quelques grains de satire ? 6+6 a
Virgile a-t-il bien fait de pincer Mævius ? 6+6 b
Horace a-t-il raison contre Nomentanus ? 6+6 b
Oui, si ces deux latins, montés sur le parnasse, 6+6 a
10 S'égayaient aux dépens de Virgile et d'Horace, 6+6 a
La défense est de droit ; et d'un coup d'aiguillon 6+6 b
L'abeille en tous les temps repoussa le frelon. 6+6 b
La guerre est au parnasse, au conseil, en sorbonne : 6+6 a
Allons, défendons-nous, mais n'attaquons personne. 6+6 a
15 « Vous m'avez endormi », disait ce bon Trublet ; 6+6 b
Je réveillai mon homme à grands coups de sifflet. 6+6 b
Je fis bien : chacun rit, et j'en ris même encore. 6+6 a
La critique a du bon ; je l'aime et je l'honore. 6+6 a
Le parterre éclai juge les combattants, 6+6 b
20 Et la saine raison triomphe avec le temps. 6+6 b
Lorsque dans son grenier certain Larcher réclame 6+6 a
La loi qui prostitue et sa fille et sa femme, 6+6 a
Qu'il veut dans Notre-Dame établir son sérail, 6+6 b
On lui dit qu'à Paris plus d'un gentil bercail 6+6 b
25 Est ouvert aux travaux d'un savant antiquaire, 6+6 a
Mais que jamais la loi n'ordonna l'adultère. 6+6 a
Alors on examine ; et le public instruit 6+6 b
Se moque de Larcher, qui jure en son réduit. 6+6 b
L'abbé François écrit ; le Léthé sur ses rives 6+6 a
30 Reçoit avec plaisir ses feuilles fugitives. 6+6 a
Tancrède en vers croisés fait-il bâiller Paris ? 6+6 b
On m'ennuie à mon tour des plus pesants écrits ; 6+6 b
À Danchet, à Brunet, le pont-neuf me compare ; 6+6 a
On préfère à mes vers Crébillon le barbare. 6+6 a
35 Cette longue dispute échauffe les esprits. 6+6 b
Alors du plus beau feu vingt poëtes épris, 6+6 b
De chefs-d'œuvre sans nombre enrichissant la scène, 6+6 a
Sur de sublimes tons font ronfler Melpomène. 6+6 a
Qu'importe que mon nom s'efface dans l'oubli ? 6+6 b
40 L'esprit, le goût s'épure, et l'art est embelli. 6+6 b
Mais ne pardonnons pas à ces folliculaires, 6+6 a
De libelles affreux écrivains téméraires, 6+6 a
Aux stances de La Grange, aux couplets de Rousseau, 6+6 b
Que Mégère en courroux tira de son cerveau. 6+6 b
45 Pour gagner vingt écus, ce fou de La Beaumelle 6+6 a
Insulte de Louis la mémoire immortelle. 6+6 a
Il croit déshonorer, dans ses obscurs écrits, 6+6 b
Princes, ducs, maréchaux, qui n'en ont rien appris. 6+6 b
Contre le vil croquant tout honnête homme éclate, 6+6 a
50 Avant que sur sa joue ou sur son omoplate 6+6 a
Des rois et des héros les grands noms soient vengés 6+6 b
Par l'empreinte des lis qu'il a tant outragés. 6+6 b
Ces serpents odieux de la littérature, 6+6 a
Abreuvés de poisons et rampant dans l'ordure, 6+6 a
55 Sont toujours écrasés sous les pieds des passants. 6+6 b
Vive le cygne heureux qui, par ses doux accents, 6+6 b
Célébra les saisons, leurs dons, et leurs usages, 6+6 a
Les travaux, les vertus, et les plaisirs des sages ! 6+6 a
Vainement de Dijon l'impudent écolier 6+6 b
60 Coassa contre lui du fond de son bourbier. 6+6 b
Nous laissons le champ libre à ces petits critiques, 6+6 a
De l'ivrogne Fréron disciples faméliques, 6+6 a
Qui, ne pouvant apprendre un honnête métier, 6+6 b
Devers saint-Innocent vont salir du papier, 6+6 b
65 Et sur les dons des dieux porter leurs mains Impies ; 6+6 a
Animaux malfaisants, semblables aux harpies, 6+6 a
De leurs ongles crochus et de leur souffle affreux 6+6 b
Gâtant un bon dîner qui n'était pas pour eux. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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