Métrique en Ligne
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e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
VOL_4/VOL155
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
LES ÉPÎTRES
1706-1778
ÉPÎTRE CIII
1769
À BOILEAU,
OU MON TESTAMENT
Boileau, correct auteurde quelques bons écrits, 6+6 a
Zoïle de Quinault,et flatteur de Louis, 6+6 a
Mais oracle du gtdans cet art difficile 6+6 b
s'égayait Horace, travaillait Virgile, 6+6 b
5 Dans la cour du palaisje naquis ton voisin : 6+6 a
De ton siècle brillantmes yeux virent la fin ; 6+6 a
Siècle de grands talentsbien plus que de lumière, 6+6 b
Dont Corneille, en bronchant,sut ouvrir la carrière. 6+6 b
Je vis le jardinierde ta maison d'Auteuil, 6+6 a
10 Qui chez toi, pour rimer,planta le chèvre-feuil. 6+6 a
Chez ton neveu Dongoisje passai mon enfance ; 6+6 b
Bon bourgeois qui se crutun homme d'importance. 6+6 b
Je veux t'écrire un motsur tes sots ennemis, 6+6 a
À l'hôtel Rambouilletcontre toi réunis, 6+6 a
15 Qui voulaient, pour loyerde tes rimes sincères, 6+6 b
Couronné de laurierst'envoyer aux galères. 6+6 b
Ces petits beaux espritscraignaient la vérité, 6+6 a
Et du sel de tes versla piquante âcreté. 6+6 a
Louis avait du gt,Louis aimait la gloire : 6+6 b
20 Il voulut que ta museassurât sa mémoire ; 6+6 b
Et, satirique heureux,par ton prince avoué, 6+6 a
Tu pus censurer tout,pourvu qu'il fût loué. 6+6 a
Bientôt les courtisans,ces singes de leur mtre, 6+6 b
Surent tes vers par cœur,et crurent s'y conntre. 6+6 b
25 On admira dans toijusqu'au style un peu dur 6+6 a
Dont tu défigurasle vainqueur de Namur, 6+6 a
Et sur l'amour de Dieuta triste psalmodie, 6+6 b
Du haineux jansénisteen son temps applaudie ; 6+6 b
Et l'équivoque même,enfant plus ténébreux, 6+6 a
30 D'un père sans vigueuravorton malheureux. 6+6 a
Des muses dans ce temps,au pied du trône assises, 6+6 b
On aimait les talents,on passait les sottises. 6+6 b
Un maudit écossais,chassé de son pays, 6+6 a
Vint changer tout en France,et gâta nos esprits. 6+6 a
35 L'espoir trompeur et vain,l'avarice au teint blême, 6+6 b
Sous l'abbé Terrassoncalculant son système, 6+6 b
Répandaient à grands flotsleurs papiers imposteurs, 6+6 a
Vidaient nos coffres-forts,et corrompaient nos Mœurs ; 6+6 a
Plus de gt, plus d'esprit :la sombre arithmétique 6+6 b
40 Succéda dans Parisà ton art poétique. 6+6 b
Le duc et le prélat,le guerrier, le docteur, 6+6 a
Lisaient pour tous écritsdes billets au porteur. 6+6 a
On passa du Permesseau rivage du Gange, 6+6 b
Et le sacré vallonfut la place du change. 6+6 b
45 Le ciel nous envoya,dans ces temps corrompus, 6+6 a
Le sage et doux pasteurdes brebis de Fréjus, 6+6 a
Économe sensé,renfermé dans lui-même, 6+6 b
Et qui n'affecta rienque le pouvoir suprême. 6+6 b
La France était blessée :il laissa ce grand corps 6+6 a
50 Reprendre un nouveau sang,raffermir ses ressorts, 6+6 a
Se rétablir lui-mêmeen vivant de régime. 6+6 b
Mais si Fleury fut sage,il n'eut rien de sublime ; 6+6 b
Il fut loin d'imiterla grandeur des Colberts : 6+6 a
Il négligeait les arts,il aimait peu les vers. 6+6 a
55 Pardon si contre moison ombre s'en irrite, 6+6 b
Mais il fut en secretjaloux de tout mérite. 6+6 b
Je l'ai vu refuser,poliment inhumain, 6+6 a
Une place à Racine,à Crébillon du pain. 6+6 a
Tout empira depuis.Deux partis fanatiques, 6+6 b
60 De la droite raisonrivaux évangéliques, 6+6 b
Et des dons de l'espritdévots persécuteurs, 6+6 a
S'acharnaient à l'envisur les pauvres auteurs. 6+6 a
Du faubourg saint-Médardles dogues aboyèrent, 6+6 b
Et les renards d'Ignaceavec eux se glissèrent. 6+6 b
65 J'ai vu ces factions,semblables aux brigands 6+6 a
Rassemblés dans un boispour voler les passants ; 6+6 a
Et, combattant entre euxpour diviser leur proie, 6+6 b
De leur guerre intestineils m'ont donné la joie. 6+6 b
J'ai vu l'un des partisde mon pays chassé, 6+6 a
70 Maudit comme les juifs,et comme eux dispersé ; 6+6 a
L'autre, plus méprisé,tombant dans la poussière 6+6 b
Avec Guyon, Fréron,Nonotte, et Sorinière. 6+6 b
Mais parmi ces faquinsl'un sur l'autre expirants, 6+6 a
Au milieu des billetsexigés des mourants, 6+6 a
75 Dans cet amas confusd'opprobre et de misère, 6+6 b
Qui distingue mon siècleet fait son caractère, 6+6 b
Quels chants pouvaient formerles enfants des neuf sœurs ? 6+6 a
Sous un ciel orageux,dans ces temps destructeurs, 6+6 a
Des chantres de nos boisles voix sont étouffées : 6+6 b
80 Au siècle des Midason ne voit point d'Orphées. 6+6 b
Tel qui dans l'art d'écriret pu te défier, 6+6 a
Va compter dix pour centchez Rabot le banquier : 6+6 a
De dépit et de honteil a brisé sa lyre. 6+6 b
Ce temps est, réponds-tu,très-bon pour la satire. 6+6 b
85 Mais quoi ! Puis-je en mes vers,aiguisant un bon mot, 6+6 a
Affliger sans raisonl'amour-propre d'un sot ; 6+6 a
Des Cotins de mon tempspoursuivre la racaille, 6+6 b
Et railler un Cogerdont tout Paris se raille ? 6+6 b
Non, ma muse m'appelleà de plus hauts emplois. 6+6 a
90 À chanter la vertuj'ai consacré ma voix. 6+6 a
Vainqueur des préjugésque l'imbécile encense, 6+6 b
J'ose aux persécuteursprêcher la tolérance ; 6+6 b
Je dis au riche avare :« assiste l'indigent ; » 6+6 a
Au ministre des lois :« protége l'innocent ; » 6+6 a
95 Au docteur tonsuré :« sois humble et charitable, 6+6 b
Et garde-toi surtoutde damner ton semblable. » 6+6 b
Malgré soixante hivers,escortés de seize ans, 6+6 a
Je fais au monde encoreentendre mes accents. 6+6 a
Du fond de mes déserts,aux malheureux propice, 6+6 b
100 Pour Sirven oppriméje demande justice : 6+6 b
Je l'obtiendrai sans doute ;et cette même main, 6+6 a
Qui ranima la veuveet vengea l'orphelin, 6+6 a
Soutiendra jusqu'au boutla famille éplorée 6+6 b
Qu'un vil juge a proscrite,et non déshonorée. 6+6 b
105 Ainsi je fais trembler,dans mes derniers moments, 6+6 a
Et les pédants jaloux,et les petits tyrans. 6+6 a
J'ose agir sans rien craindre,ainsi que j'ose écrire. 6+6 b
Je fais le bien que j'aime,et voilà ma satire. 6+6 b
Je vous ai confondus,vils calomniateurs, 6+6 a
110 Détestables cagots,infâmes délateurs ; 6+6 a
Je vais mourir content.Le siècle qui doit ntre 6+6 b
De vos traits empestésme vengera peut-être. 6+6 b
Oui, déjà Saint-Lambert,en bravant vos clameurs, 6+6 a
Sur ma tombe qui s'ouvrea répandu des fleurs ; 6+6 a
115 Aux sons harmonieuxde son luth noble et tendre, 6+6 b
Mes mânes consoléschez les morts vont descendre. 6+6 b
Nous nous verrons, Boileau :tu me présenteras 6+6 a
Chapelain, Scudéri,Perrin, Pradon, Coras. 6+6 a
Je pourrais t'amener,enchnés sur mes traces, 6+6 b
120 Nos Zoïles honteux,successeurs des Garasses. 6+6 b
Minos entre eux et moiva bientôt prononcer : 6+6 a
Des serpents d'Alectonnous les verrons fesser : 6+6 a
Mais je veux avec toibaiser dans l'élysée 6+6 b
La main qui nous peignitl'épouse de Thésée. 6+6 b
125 J'embrasserai Quinault,en dusses-tu crever ; 6+6 a
Et si ton gt sévèrea pu désapprouver 6+6 a
Du brillant Torquatole séduisant ouvrage, 6+6 b
Entre Homère et Virgileil aura mon hommage. 6+6 b
Tandis que j'ai vécu,l'on m'a vu hautement 6+6 a
130 Aux badauds effarésdire mon sentiment ; 6+6 a
Je veux le dire encordans ces royaumes sombres : 6+6 b
S'ils ont des préjugés,j'en guérirai les ombres. 6+6 b
À table avec Vendôme,et Chapelle, et Chaulieu, 6+6 a
M'enivrant du nectarqu'on boit en ce beau lieu, 6+6 a
135 Secondé de Ninon,dont je fus légataire, 6+6 b
J'adoucirai les traitsde ton humeur austère. 6+6 b
Partons : dépêche-toi,curé de mon hameau, 6+6 a
Viens de ton eau béniteasperger mon caveau. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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