Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VOL_4/VOL148
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
LES ÉPÎTRES
1706-1778
ÉPÎTRE XCVI
1766
À HENRI IV,
SUR CE QU'ON AVAIT ÉCRIT À L'AUTEUR
QUE PLUSIEURS CITOYENS DE PARIS S'ÉTAIENT
MIS À GENOUX DEVANT LA STATUE ÉQUESTRE
DE CE PRINCE PENDANT LA MALADIE DU DAUPHIN.
Intrépide soldat, | vrai chevalier, grand homme, 6+6 a
Bon roi, fidèle ami, | tendre et loyal amant, 6+6 b
Toi que l'Europe a plaint | d'avoir fléchi sous Rome, 6+6 a
Sans qu'on osât blâmer | ce triste abaissement, 6+6 b
5 Henri, tous les français | adorent ta mémoire : 6+6 a
Ton nom devient plus cher | et plus grand chaque jour ; 6+6 b
Et peut-être autrefois | quand j'ai chanté ta gloire 6+6 a
Je n'ai point dans les cœurs | affaibli tant d'amour. 6+6 b
Un des beaux rejetons | de ta race chérie, 6+6 a
10 Des marches de ton trône | au tombeau descendu, 6+6 b
Te porte, en expirant, | les vœux de ta patrie, 6+6 a
Et les gémissements | de ton peuple éperdu. 6+6 b
Lorsque la mort sur lui | levait sa faux tranchante, 6+6 a
On vit de citoyens | une foule tremblante 6+6 a
15 Entourer ta statue | et la baigner de pleurs ; 6+6 a
C'était là leur autel, | et, dans tous nos malheurs, 6+6 a
On t'implore aujourd'hui | comme un dieu tutélaire. 6+6 a
La fille qui naquit | aux chaumes de Nanterre, 6+6 a
Pieusement célèbre | en des temps ténébreux, 6+6 a
20 N'entend point nos regrets, | n'exauce point nos vœux, 6+6 a
De l'empire français | n'est point la protectrice. 6+6 a
C'est toi, c'est ta valeur, | ta bonté, ta justice, 6+6 a
Qui préside à l'état | raffermi par tes mains. 6+6 a
Ce n'est qu'en t'imitant | qu'on a des jours prospères ; 6+6 b
25 C'est l'encens qu'on te doit : | les grecs et les romains 6+6 a
Invoquaient des héros, | et non pas des bergères. 6+6 b
Oh ! Si de mes déserts, | où j'achève mes jours, 6+6 a
Je m'étais fait entendre | au fond du sombre empire ! 6+6 b
Si, comme au temps d'Orphée, | un enfant de la lyre 6+6 b
30 De l'ordre des destins | interrompait le cours ! 6+6 a
Si ma voix… ! Mais tout cède | à leur arrêt suprême : 6+6 c
Ni nos chants, ni nos cris, | ni l'art et ses secours, 6+6 a
Les offrandes, les vœux, | les autels, ni toi-même, 6+6 c
Rien ne suspend la mort. | Ce monde illimité 6+6 a
35 Est l'esclave éternel | de la fatalité. 6+6 a
À d'immuables lois | Dieu soumit la nature. 6+6 a
Sur ces monts entassés, | séjour de la froidure, 6+6 a
Au creux de ces rochers, | dans ces gouffres affreux, 6+6 a
Je vois des animaux | maigres, pâles, hideux, 6+6 a
40 Demi-nus, affamés, | courbés sous l'infortune ; 6+6 a
Ils sont hommes pourtant : | notre mère commune 6+6 a
A daigné prodiguer | des soins aussi puissants 6+6 a
À pétrir de ses mains | leur substance mortelle, 6+6 b
Et le grossier instinct | qui dirige leurs sens, 6+6 a
45 Qu'à former les vainqueurs | de Pharsale et d'Arbelle. 6+6 b
Au livre des destins | tous leurs jours sont comptés ; 6+6 a
Les tiens l'étaient aussi. | Ces dures vérités 6+6 a
Épouvantent le lâche | et consolent le sage. 6+6 a
Tout est égal au monde : | un mourant n'a point d'âge. 6+6 a
50 Le dauphin le disait | au sein de la grandeur, 6+6 a
Au printemps de sa vie, | au comble du bonheur ; 6+6 a
Il l'a dit en mourant, | de sa voix affaiblie, 6+6 a
À son fils, à son père, | à la cour attendrie. 6+6 a
Ô toi ! Triste témoin | de son dernier moment, 6+6 a
55 Qui lis de sa vertu | ce faible monument, 6+6 a
Ne me demande point | ce qui fonda sa gloire, 6+6 a
Quels funestes exploits | assurent sa mémoire, 6+6 a
Quels peuples malheureux | on le vit conquérir, 6+6 a
Ce qu'il fit sur la terre… | il t'apprit à mourir ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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