Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VOL_4/VOL137
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
LES ÉPÎTRES
1706-1778
ÉPÎTRE LXXXV
1755
L'AUTEUR
ARRIVANT DANS SA TERRE, PRÈS DU LAC DE GENÈVE
Ô maison d'Aristippe ! | ô jardins d'épicure ! 6+6 a
Vous qui me présentez, | dans vos enclos divers, 6+6 b
Ce qui souvent manque à mes vers, 8 b
Le mérite de l'art | soumis à la nature, 6+6 a
5 Empire de Pomone | et de Flore sa sœur, 6+6 c
Recevez votre possesseur ! 8 c
Qu'il soit, ainsi que vous, | solitaire et tranquille ! 6+6 d
Je ne me vante point | d'avoir en cet asile 6+6 d
Rencontré le parfait bonheur : 8 c
10 Il n'est point retiré | dans le fond d'un bocage ; 6+6 e
Il est encor moins chez les rois ; 8 f
Il n'est pas même chez le sage : 8 e
De cette courte vie | il n'est point le partage. 6+6 e
Il y faut renoncer ; | mais on peut quelquefois 6+6 f
15 Embrasser au moins son image. 8 e
Que tout plaît en ces lieux | à mes sens étonnés ! 6+6 g
D'un tranquille océan | l'eau pure et transparente 6+6 h
Baigne les bords fleuris | de ces champs fortunés ; 6+6 g
D'innombrables coteaux | ces champs sont couronnés. 6+6 g
20 Bacchus les embellit ; | leur insensible pente 6+6 h
Vous conduit par degrés | à ces monts sourcilleux 6+6 i
Qui pressent les enfers | et qui fendent les cieux. 6+6 i
Le voilà ce théâtre | et de neige et de gloire, 6+6 j
Éternel boulevard | qui n'a point garanti 6+6 k
25 Des lombards le beau territoire. 8 j
Voilà ces monts affreux | célébrés dans l'histoire, 6+6 j
Ces monts qu'ont traversés, | par un vol si hardi, 6+6 k
Les Charles, les Othon, | Catinat, et Conti, 6+6 k
Sur les ailes de la victoire. 8 j
30 Au bord de cette mer | où s'égarent mes yeux, 6+6 i
Ripaille, je te vois. | Ô bizarre Amédée, 6+6 l
Est-il vrai que dans ces beaux lieux, 8 i
Des soins et des grandeurs | écartant toute idée, 6+6 l
Tu vécus en vrai sage, | en vrai voluptueux, 6+6 i
35 Et que, lassé bientôt | de ton doux ermitage, 6+6 e
Tu voulus être pape, | et cessas d'être sage ? 6+6 e
Lieux sacrés du repos, | je n'en ferais pas tant ; 6+6 m
Et, malgré les deux clefs | dont la vertu nous frappe, 6+6 n
Si j'étais ainsi pénitent, 8 m
40 Je ne voudrais point être pape. 8 n
Que le chantre flatteur | du tyran des romains, 6+6 o
L'auteur harmonieux | des douces géorgiques, 6+6 p
Ne vante plus ces lacs | et leurs bords magnifiques, 6+6 p
Ces lacs que la nature | a creusés de ses mains 6+6 o
45 Dans les campagnes italiques ! 8 p
Mon lac est le premier : | c'est sur ces bords heureux 6+6 i
Qu'habite des humains | la déesse éternelle, 6+6 q
L'âme des grands travaux, | l'objet des nobles vœux, 6+6 i
Que tout mortel embrasse, | ou désire, ou rappelle, 6+6 q
50 Qui vit dans tous les cœurs, | et dont le nom sacré 6+6 r
Dans les cours des tyrans | est tout bas adoré, 6+6 r
La liberté. J'ai vu | cette déesse altière, 6+6 s
Avec égalité | répandant tous les biens, 6+6 o
Descendre de Morat | en habit de guerrière, 6+6 s
55 Les mains teintes du sang | des fiers autrichiens 6+6 o
Et de Charles Le Téméraire. 8 s
Devant elle on portait | ces piques et ces dards, 6+6 t
On traînait ces canons, | ces échelles fatales 6+6 u
Qu'elle-même brisa | quand ses mains triomphales 6+6 u
60 De Genève en danger | défendaient les remparts. 6+6 t
Un peuple entier la suit, | sa naïve allégresse 6+6 v
Fait à tout l'Apennin | répéter ses clameurs ; 6+6 w
Leurs fronts sont couronnés | de ces fleurs que la Grèce 6+6 v
Aux champs de Marathon | prodiguait aux vainqueurs. 6+6 w
65 C'est là leur diadème ; | ils en font plus de compte 6+6 x
Que d'un cercle à fleurons | de marquis et de comte, 6+6 x
Et des larges mortiers | à grands bords abattus, 6+6 y
Et de ces mitres d'or | aux deux sommets pointus. 6+6 y
On ne voit point ici | la grandeur insultante 6+6 h
70 Portant de l'épaule au côté 8 r
Un ruban que la vanité 8 r
À tissu de sa main brillante, 8 h
Ni la fortune insolente 7 h
Repoussant avec fierté 7 r
75 La prière humble et tremblante 7 h
De la triste pauvreté. 7 r
On n'y méprise point | les travaux nécessaires : 6+6 z
Les états sont égaux, | et les hommes sont frères. 6+6 z
Liberté ! Liberté ! | Ton trône est en ces lieux : 6+6 i
80 La Grèce où tu naquis | t'a pour jamais perdue, 6+6 a
Avec ses sages et ses dieux. 8 i
Rome, depuis Brutus, | ne t'a jamais revue. 6+6 a
Chez vingt peuples polis | à peine es-tu connue. 6+6 a
Le sarmate à cheval | t'embrasse avec fureur ; 6+6 c
85 Mais le bourgeois à pied, | rampant dans l'esclavage, 6+6 e
Te regarde, soupire, | et meurt dans la douleur. 6+6 c
L'anglais pour te garder | signala son courage : 6+6 e
Mais on prétend qu'à Londre | on te vend quelquefois. 6+6 f
Non, je ne le crois point : | ce peuple fier et sage 6+6 e
90 Te paya de son sang, | et soutiendra tes droits. 6+6 f
Aux marais du Batave | on dit que tu chancelles, 6+6 b
Tu peux te rassurer : | la race des Nassaux, 6+6 c
Qui dressa sept autels | à tes lois immortelles, 6+6 b
Maintiendra de ses mains fidèles 8 b
95 Et tes honneurs et tes faisceaux. 8 c
Venise te conserve, | et Gênes t'a reprise. 6+6 d
Tout à côté du trône | à Stockholm on t'a mise ; 6+6 d
Un si beau voisinage | est souvent dangereux. 6+6 i
Préside à tout état | où la loi t'autorise, 6+6 d
100 Et reste-s-y, si tu le peux. 8 i
Ne va plus, sous les noms | et de ligue et de fronde, 6+6 e
Protectrice funeste | en nouveautés féconde, 6+6 e
Troubler les jours brillants | d'un peuple de vainqueurs, 6+6 w
Gouverné par les lois, | plus encor par les mœurs ; 6+6 w
105 Il chérit la grandeur suprême : 8 f
Qu'a-t-il besoin de tes faveurs 8 w
Quand son joug est si doux | qu'on le prend pour toi-même ? 6+6 f
Dans le vaste Orient | ton sort n'est pas si beau. 6+6 g
Aux murs de Constantin, | tremblante et consternée, 6+6 l
110 Sous les pieds d'un vizir | tu languis enchaînée 6+6 l
Entre le sabre et le cordeau. 8 g
Chez tous les levantins | tu perdis ton chapeau. 6+6 g
Que celui du grand Tell | orne en ces lieux ta tête ! 6+6 h
Descends dans mes foyers | en tes beaux jours de fête. 6+6 h
115 Viens m'y faire un destin nouveau. 8 g
Embellis ma retraite, | où l'amitié t'appelle ; 6+6 q
Sur de simples gazons | viens t'asseoir avec elle. 6+6 q
Elle fuit comme toi | les vanités des cours, 6+6 i
Les cabales du monde | et son règne frivole. 6+6 j
120 Ô deux divinités ! | Vous êtes mon recours. 6+6 i
L'une élève mon âme, | et l'autre la console : 6+6 j
Présidez à mes derniers jours ! 8 i
mètre profils métriques : 8, 7, 6+6
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